18 Aug. 2023
Le Radar #11 : SDRN
Notre Radar repère toujours des jeunes créatifs remplis de talents ! Si vous aviez suivi le parcours inspirant de Médoune et Lahiru, derrière la création de Kolam, ou celui de la créatrice de contenus Lecoindelodie avec sa marque Ecke, Le Blueprint n'a pas perdu le fil en s'intéressant à la marque de sacs en crochet, Happy Lizy. Cette fois, notre flair nous a mené sur la trace d'Adrien Bavant, plus connu sous le nom de SDRN sur Instagram. Cet CGI artist nous a ouvert les portes de son univers où tout est possible grâce au numérique. De son parcours, à ses projets vidéos pour Squeezie, Vladimir Cauchemar, phytocene ou la marque Corteiz, découvrez les secrets de fabrique du jeune artiste.
Depuis les bancs d'école
"Je me considère surtout comme un grand nerd, c'est-à-dire que je peux passer 15 heures par jour sur mon PC et c'est un vrai plaisir pour moi." Voilà comment Adrien Bavant, 26 ans, présente son intérêt pour l'art numérique. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, ce domaine l'attire depuis toujours. Dès ses 11 ans, il se passionne pour le motion design et s'empare de la suite Adobe avec laquelle il travaille encore parfois aujourd'hui.
Si la vidéo l'intéresse particulièrement, il se tourne très rapidement vers un futur tridimensionnel : "J'ai toujours été très attiré par le cinéma et plus globalement par la vidéo. La 3D me paraissait être le moyen idéal de créer des univers différents, là où le manque de matériel peut nous limiter dans la vraie vie."
À Paris, il suit une formation à l'ISART, où il apprend les bases. Sauf que ses premières expériences dans le milieu dépeignent une réalité de l'industrie du cinéma différente de celle qu'il imaginait. Adrien prend donc son envol et se lance dans la freelance.
Ses premiers pas dans la 3D
Pour se faire une place dans cet univers, Adrien se tourne vers les réseaux sociaux. Il poste sur son compte Instagram sous le nom de SDRN, un pseudonyme mêlant ses influences artistiques à son nom : "En termes d’inspirations, j’adore David Lynch, et sa vision de l’art. J'affectionne aussi particulièrement le travail du plasticien britannique Chris Cunningham ou les morceaux d'Aphex Twin."
Six ans après avoir fait un saut dans le vide, son travail lui permet de collaborer avec de nombreux artistes et créateurs de contenus : "Au fur-et-à-mesure, les opportunités se sont présentées à moi, surtout dans la musique et j'ai notamment pu collaborer avec l'artiste Lean Chihiro, courant 2018. Je l'avais scannée dans la cour de mon immeuble pour avoir un modèle 3D et on l'avait inclus dans son univers pour la cover de son album."
Puis, il enchaîne de nombreux projets avec le réalisateur Jules Gondry, des projets de vidéos pour le youtubeur Squeezie ou des personnalités travaillant dans la musique comme Vladimir Cauchemar, Franglish, ou encore Vald. À travers ses différentes réalisations, il se distingue par l'utilisation de la photogrammétrie, une technique qui représente aujourd'hui 80 % de son travail. Ce procédé consiste à prendre de multiples photos d'un sujet pour lui permettre de reconstruire ensuite un modèle 3D.
Si la photogrammétrie est une technique qu'il a d'abord étudiée en cours, Adrien confie que c'est sa curiosité qui lui a permis d'être meilleur dans ce domaine : "Au-delà de mes études j’ai toujours cherché à apprendre de nouvelles techniques et je pense que ce qui est important dans mon parcours. Avec internet, on peut apprendre facilement. C’est ce qui me motive le plus dans le fait d’être CGI artist. C’est en constante évolution et tu n’as pas le temps de t’ennuyer."
L'arrivée des IA dans son domaine
Si les Intelligences Artificielles bouleversent la culture, elles modifient aussi dans leur sillage la façon dont les artistes 3D appréhendent leurs logiciels. D'ailleurs, le créatif se sert déjà de certaines IA pour l'aider à commencer ses projets. En un an, il s'est aperçu des progrès dans la création d'image et conçoit le fait que certaines techniques sont vouées à disparaître. Bien qu'il trouve la chose un peu angoissante, Adrien ne se montre toutefois pas pessimiste : "Pour moi, c’est assez effrayant, mais je ne pense pas qu'il faut le voir comme quelque chose qui va nous remplacer, mais comme des outils qu’on doit essayer de comprendre et d'utiliser." S'il constate que les IA impactent davantage le domaine du jeu vidéo, et moins la 3D, il soutient que les nouvelles technologies ne pourront pas remplacer les humains : "Pour moi, les IA ne permettent pas de mener à bout certains projets comme lorsqu'ils sont dirigés par une grande équipe de production."
De projets en projets
Adrien se dit chanceux de pouvoir vivre de sa passion, malgré le fait que sa profession le coupe aussi du monde extérieur : "En tant que 3D artiste, je suis tout le temps chez moi et sur mon ordinateur. Le seul contact humain que je vais avoir, c'est à travers des appels téléphoniques. Ça peut être assez difficile à vivre à la longue. Avec mon travail, la photogrammétrie me permet de me déplacer sur certains tournages et de réaliser des projets à grande échelle. J'ai notamment pu assister au tournage d'une publicité Nike à Barcelone."
Récemment, le CGI artist est intervenu sur la collaboration entre Nike et Corteiz pour y instiller sa dose de photogrammétrie. Vous vous souvenez du plan où la paire de Air Max 95 est lancée dans les airs ? Il s'agissait d'un plan réalisé par ses soins. Pour Adrien, ce projet figure parmi les plus importants de son année : "Je me retrouve toujours à bosser sur des trucs fous. Le matin, on m’a appelé et je me suis retrouvé à scanner la paire dès l’après-midi. Au total, j'ai pris 1300 photos de cette paire ! La scène dans laquelle les deux personnages se chamaillent pour avoir la paire, qui fini par voler dans les airs, tout a été fait en CGI."
Pour Adrien, travailler avec des paires de chaussures lui permet aussi de tester de nouvelles choses : "Quand on travaille avec des chaussures dans le scan 3D, c'est assez intéressant parce qu'il y a beaucoup de matières et de formes différentes et donc le rendu visuel sera toujours différent. Contrairement à un scan humain où je sais déjà comment régler mon appareil photo, là la chaussure me permet de tester de nouveaux réglages."
Outre son travail pour de gros clients comme Nike, il a aussi travaillé avec Yard : “Dernièrement, j’ai pu bosser sur la scénographie de Kaaris avec SamyLaCrapule pour Yardland et même si l'événement n’a pas eu lieu, j’ai pu mettre ça en place et les visuels sont utilisés."
Il s'investit aussi sur de plus petites productions comme pour son amie et artiste phytocene : “Cette année, j’ai pu co-réaliser le premier clip de phytocene. J'ai travaillé sur le projet avec elle à partir du son qu’elle a écrit et produit. On a créé une animation via Unreal Engine 5, ce qui nous a permis de créer son persona. On l’a enregistrée en faisant du lipsync et on a retranscrit les mouvements sur son perso en 3D et je me suis retrouvé à faire un tournage à travers mon téléphone. J’ai pu recréer des mouvements de caméra comme si on était sur un vrai tournage, alors que j’étais dans mon salon !"
Concernant ses prochains projets, Adrien reste plus évasif : "J’ai beaucoup de projets passionnants sur lesquels je ne peux pas encore communiquer. Il va y avoir des projets avec Nike, mais aussi d’autres projets comme sur des séries télévisées.”
Si Adrien a réussi à se faire une place dans l'univers 3D aujourd'hui, il le doit surtout à sa persévérance. L'école de cinéma lui a permis de réaliser qu'il pourrait se spécialiser dans un autre domaine. Pour réussir en étant artiste 3D, le jeune créatif rappelle qu'il faut être impliqué : "Je pense que c’est important de se donner à fond et persévérer pour bosser dans ses projets. Il ne faut pas forcément chercher à plaire à tous mais plutôt trouver un équilibre pour apprendre des choses en créant ! On a tous quelque chose à apporter et j’en apprends des autres comme les autres peuvent en apprendre de moi.”
Crédit photos : SDRN