19 May. 2022
Le Radar #3 : Hologram
Parmi les acteurs émergents de la culture, on s’était intéressé à Fooyy qui nous présentait son ADN streetwear coloré et rétro il y a quelques mois, ainsi qu’au collectif de designers Hall Haus dans Le Radar du mois dernier. Tous deux basés à Paris, nous avons voulu poser notre radar sur une marque cette fois-ci localisée à Poitiers. Alliant ainsi le luxe "à la parisienne" avec le côté rural des provinces, progresse depuis 2016 et s’affiche fièrement au côté des rappeurs, chanteuses et acteurs les plus connu.e.s de notre génération. Avec un ADN tout droit venu des années 90, années dans lesquelles a grandi le trio créatif à tête de la marque, la marque qui veut avant tout s’inscrire petit à petit dans le paysage français en diffusant ses valeurs de partage. Un message qui se veut rassembleur, émane de leurs collections. Pour eux, la qualité, le confort et le style au prix juste existe encore et il n’y a pas besoin d’être basé à Paris pour le faire savoir.
Hologram, ensemble, c’est tout
Natifs de Poitiers, Karim, Florian et Thomas se sont rencontrés tous les 3 sur les bancs de l’école : "Tout de suite, il y a eu une amitié, un feeling et on passait tout notre temps ensemble, on avait un attrait particulier pour la mode, on aimait être différents des autres, on aimait déchirer des pantalons et coudre des vieux patchs dessus."
Leurs profils complémentaires et leur soif d’entreprendre, les ont alors poussés à créer la marque : "On a toujours eu le désir d’entreprendre, on a toujours eu cette fibre-là. On s’est dit, il faut qu’on fasse quelque chose et puis la mode est vite venue sur la table, on était conscient que c’était un monde hyper concurrentiel, mais on s’est dit, les autres y arrivent bien, pourquoi pas nous."
Entre voyages respectifs et études aux antipodes de l’univers du textile, le trio maintenant trentenaire s’est finalement décidé à s’installer en collocation à Poitiers. Vivant modestement, mais entièrement, de ce projet qu’est Hologram, leur but est avant tout de diffuser un message positif et rassembleur : "On est issu de cultures assez différentes tous les 3, un message rassembleur et positif avec un fort désir d’entreprendre. Tout est parti de là. Cela a pris pas mal de temps parce qu’il a fallu apprendre sur le tas le métier, les techniques de la production d’un vêtement, le marketing, la communication, tous les codes liés à ce petit univers qu’est la mode."
Aujourd’hui, Karim supervise la direction artistique, le design et la production. Thomas s’occupe de la partie e-commerce et de la logistique et Florian gère le marketing et la distribution. Ces tâches ne leur sont évidemment pas définitives, ils travaillent ensemble au quotidien pour consolider leur ADN qu’ils bâtissent depuis 2016 : "Historiquement, un hologramme représente une image en trois dimensions. Chacun des trois créateurs apporte sa propre vision au projet."
Un véritable lifestyle : pont entre la capitale et la province
"_Ce qui nous inspire de plus en plus dans nos collections, et qu’on va pousser davantage, c’est cette nostalgie positive des années 90 où la vie était un peu différente et où la mode était majoritairement streetwea_r", nous confie Florian sur ce qui contribue à constituer l’ADN d’Hologram. En prenant l’exemple de Teddy Santis qui use des ressources du Queens pour construire un univers fort, Hologram est transparent avec sa communauté : "On a surtout des inspirations communes, les années 90, c’est ce qu’il revendique à New York. Le travail qu’il fait au sein d’Aimé Leon Dore est incroyable. Après, on essaye vraiment de ne pas copier et de garder notre patte. On estime qu’il faut être authentique, pour nous, l’authenticité à un gros poids dans nos décisions, mais effectivement, on peut trouver une inspiration sur cette collection de janvier dernier."
Le trio contrôle minutieusement son image et travaille main dans la main avec des stylistes, des directeurs artistiques ou des managers d'artistes comme propulsant ainsi la marque sur le devant de la scène. , , et , , , ou encore n’ont aucun mal à afficher fièrement ce qui compose la dimension d’Hologram. "On est assez ouverts par rapport à ça. Demain, on peut toucher des acteurs, on peut très bien imaginer une campagne avec une personne qui a marqué les années 90 comme par exemple. D’ailleurs, il apparaissait dernièrement dans un film français habillé en full Hologram. C'est pour ce que ça représente, on a été bercé par cette musique et tout ce mood dans les années 90. On n’est pas fermé qu’au rap. Mais c’est vrai que la musique et surtout le hip-hop et la musique urbaine, c’est ce que nous, on consomme au quotidien et ça nous parle vraiment, c’est pour ça qu’on s’axe davantage sur ce genre de personnes. On a tous des goûts un petit peu divergent, je suis un gros consommateur de musique américaine. On a déjà travaillé avec Gunna alors du ou , moi ça me parle." Confie Florian à propos des égéries de la marque.
Une production sensée
Le lien qu’entretient la marque avec sa communauté et ses partenaires reste très fort, permettant ainsi de sublimer le travail fait autour des collections. Construites pour sublimer les pièces traditionnelles du vestiaire streetwear, ces dernières utilisent des matières nobles, des détails venant moderniser ses pièces unisexes. Ainsi, 90 % des collections sont confectionnées au Portugal dans une usine familiale tandis que les pièces les plus techniques sont réalisées en Asie : "Depuis le début, on travaille avec une usine historique située à côté de Porto. Le feeling passe super bien avec elles, il y a une dizaine de couturières, c’est vraiment familial. Après, sur certains produits plus techniques, on passe en Asie, sur des accessoires notamment, des doudounes techniques ou des blousons où là ça demande des matières imperméables. Plus on avance, plus on essaye de former notre collaborateur portugais à ses techniques de coutures, de tissus, l’idée sur le long terme, c’est de faire basculer la production à 100 % là-bas."
Toujours dans un souci de répondre au mieux aux besoins de leur clientèle âgée en moyenne de 27 ans, Hologram s’est toujours efforcé de proposer des pièces en fonction de la saisonnalité et non du calendrier imposé par la mode et son approche systémique : "On a une collection tous les trois mois, une par saison, c’est volontaire de notre part. On ne voulait pas faire 2 collections dans l’année, on désirait s’adapter au maximum à la saison. Sortir des shorts au mois de mars pour l'été, ce n’était pas l’objectif."
Basée sur le même fonctionnement que et maintenant , ou encore , la production en petite quantité et la sortie de drops suscitent également une attractivité et un engouement autour de la marque qui se veut toutefois accessible. Cela permet par ailleurs d’éviter la surproduction, un point sur lequel le trio s’efforce de travailler depuis toujours. Une des initiatives qui va dans ce sens est leur projet Masterpiece. "À chaque fois, on s’est rendu compte qu’à la fin de chaque collection, il nous restait du tissu. Pour éviter de les jeter, on les a réutilisés pour faire un nombre de pièces créatives reprenant les chutes de la collection. On l’a mis en place pour la collection Monochrome sortie en février dernier. À chaque collection, sa Masterpiece. Là où on fait déjà de la série limitée, là, c’est vraiment aléatoire, les couturières s’adaptent vraiment avec les pans qu’elles récupèrent." Témoigne Karim à propos de leur tout nouveau projet tourné vers le respect de l’environnement, repoussant ainsi les limites de la création.
Le partage au cœur du processus créatif
Même si la marque à une forte empreinte sur le web et qu’elle est disponible dans plus de 15 points de vente dans l'hexagone, notamment dans tout le réseau depuis 1 an : à Paris, Bordeaux, et Lyon, permettant ainsi de quadriller les grandes villes. "On a ouvert un point de vente dans notre showroom à Poitiers, c’est aussi un message qu’on essaye de faire passer aux gens, cette histoire de province… Tu n’as pas besoin de venir de Paris pour créer une marque de prêt-à-porter, on veut casser certaines idées reçues et leur permettre d’accéder à ça, parce qu’à Poitiers, à part des grandes chaînes comme ou , il n’y a rien. En termes de création pure et dure, ils n’ont rien à se mettre sous la dent. Ils prennent vraiment plaisir à venir visiter notre boutique et notre marque qui commence à avoir un impact national."
"Il y a deux sortes d’entreprises : celles qui veulent faire du bénéfice coûte que coûte et celles qui désirent faire du bénéfice, mais en essayant de rendre le monde meilleur à sa petite échelle. On se situe plutôt dans la deuxième catégorie. Si on conduit ce projet depuis des années, c’est parce qu’on le fait par passion, parce qu’on aime ça et c’est pour emmener notre pierre à l’édifice dans le monde du textile."
Karim, Thomas et Florian ont également pris la liberté de distribuer Hologram chez quelques indépendants à Montpellier, au Luxembourg et au Havre. Ils n’hésitent donc pas à créer des événements rassembleurs. Pour l'occasion, ils ont organisé à Liège en mars dernier un pop-up et ont fait venir le rappeur belge Green Montana, permettant ainsi de discuter et de replacer l’humain au centre des choses.
Entier, le trio réitére le 20 et 21 mai prochains ce concept rassembleur pour présenter sa nouvelle collection été 2022 : "Le but, c’est vraiment de rencontrer la population, d’être en contact avec eux et de retranscrire ces valeurs-là. Et c’est ça le plus dur à faire aujourd’hui, c’est réellement ce qu’on s’efforce de faire au quotidien." Axée autour du couple et de l’amour, cette nouvelle collection intitulée "Toi et Moi" a été shootée au Cap-Ferret. Faisant ainsi le pont parfait entre la province et la ville, elle répond avec sens à leur processus empreint de valeurs fortes qui leur sont chères.
La marque est aux prémices d’un projet de collaboration avec d’autres marques aussi bien de prêt-à-porter que d'autres choses. Cherchant surtout quelque chose de créatif, cela fait plusieurs mois qu’ils réfléchissent à une collaboration qui ait du sens. "Si c’est pour avoir un logo à droite, un logo à gauche, ça n’a pas de sens. Après, il faut arriver à trouver un fil rouge pour monter un super projet, créatif. C’est comme les feats pour les rappeurs, c’est bien d’en faire, mais il faut qu’ils soient qualitatifs" Florian s’amuse ainsi à comparer l’avenir des collaborations aux innombrables featurings des rappeurs.
Un mot pour encourager les petits créateurs qui veulent se lancer eux aussi ?
"Peu importe d’où tu viens, peu importe ce que tu as envie de faire, même si tu es dans le fin fond d’un village, tente, fais les choses et crois en ton projet à mort, chiade le au maximum. Impossible Is Nothing. Ce n’est pas parce que tu ne viens pas de la ville de la mode que tu ne peux pas en faire."
Crédits photos : Hologram