La tribune de Témalapaire : la Fashion Week ou le culte de la hype ?
02 Jul. 2023
La tribune de Témalapaire : la Fashion Week ou le culte de la hype ?
"Tu veux du buzz, faut taffer, faut oser, y'a tchikita côté passager". Oui, cette nouvelle tribune sur la Fashion Week commence par une citation d'un des plus grands philosophes de notre époque aka Jul. Plus sérieusement, le pays brûle, on n'a pas pu aller rapper Or Noir à Yardland, mais c'est pas pour autant qu'on va faire les aveugles comme les arbitres de la dernière Coupe du Monde (pendant les matchs de l'Argentine). On va pas se mito, avant la Fashion c'était que pour les fashion. Mais maintenant qu'ils ont le rap, le streetwear, les sportifs et tout ce qui va avec, le grand public aussi a les yeux rivés sur le Pont-Neuf quand Pharrell présente sa première collection pour Louis Vuitton. Jacquemus est aussi un bon baromètre de l'intérêt du Madame Tout-le-monde pour la Mode avec un grand "M". La marque de Simon c'est un peu le télé-crochet de la mode, tout le monde a un avis sur les collections du créateur sudiste. Mais là où les maisons les plus prestigieuses se donnent rendez-vous pour montrer leurs nouvelles collections, pas grand monde ne semble se soucier de ce qui est présenté. De la course aux moments viraux à l'opportunité pour les marques émergentes, la Fashion Week a-t-elle sombré dans la hype ?
Checks over stripes, likes over sapes
Qui n'a pas vu une story, un post ou un TikTok avec des images du premier défilé de Pharrell pour Louis Vuitton ? Personne n'est aussi naïf que Jawad ici et Bernard a dégainé l'artillerie lourde pour éteindre la Fashion Week dès son premier jour. La privatisation du Pont-Neuf, plus de 1500 invités dont Rihanna, A$AP Rocky, Paul Pogba ou Kim Kardashian, un showcase de Pharrell et Jay-Z, une chorale... à l'ère du digital, la course au grandiose a pris une toute autre tournure. Tout le monde s'est posé la question : "c'est le MET Gala ouuuu". Et quand il s'agit de savoir qui a le plus de munitions dans son barillet, LVMH est plutôt bien équipé. Mais si on se rappelle des highlights du show comme ceux de MJ dans The Last Dance, qui se rappelle d'un look, d'une pièce, d'une veste ? À part ce pull sans manches sur notre gars sûr de Sevran Enzo, difficile d'en citer un seul. Les sacs multicolores signature de Skateboard P sont déjà bien ancrés dans la mémoire collective mais côté pièces, on est pas loin de l'amnésie d'un homme politique. Mais sûrement parce que l'intérêt est autre part. À l'image de Tommy Cash qui vient aux défilés sous sa couette ou en Crocs x MSCHF déguisé en mime, ou même de Jacquemus qui investit le Château de Versailles un jour après la fin de la semaine de la mode, les likes semblent compter beaucoup plus que les sapes.
Au-delà de la Fashion Week elle-même et des défilés, c'est toute une industrie qui semble être tombée dans le culte de la hype. Louis Vuitton, Pharrell, Jacquemus, Nigo, Future, Kim Jones... est-ce qu'on est condamné à l'ère du name dropping ? Metaverse et Web 3.0, est-ce qu'on parle encore de mode à la Fashion Week ? Est-ce qu'on s'intéresse vraiment aux collections et aux pièces ? Anna Wintour, réponds-nous. Elle nous répondra sûrement d'ailleurs que tout n'est que création et génie, mais quand Coperni vaporise une robe sur Bella Hadid ou qu'Arsham pulvérise ses tenues d'argile, la recherche du moment viral est assez évident. Des belles pièces certes, mais surtout instagramables. Et comme un soir de Ligue des Champions où les grands joueurs brillent sur les théâtre des rêves, la Fashion Week incarne cette opportunité marketing pendant laquelle il faut sortir son épingle du jeu. Mais si les plus riches sont les mieux équipés (coucou LVMH et Kering), la grand-messe de la mode est aussi une occasion rêvée pour des petits créateurs de profiter du momentum.
Et la lumière fut
Des pop-ups, des expos, des concerts, des soirées... période de l'année préférée des gratteurs de RSVP, la Fashion Week a dressé une table où tout le monde peut manger. Qu'ils s'appellent Dutreuil, PTSF, Midnight Motel, IRL... cette semaine est l'occasion parfaite pour prendre un peu de lumière. Les grandes marques et le calendrier faisant office d'épicentre, les marques émergentes peuvent rider la vague générée par le calendrier officiel. Des projets comme Air Afrique, avec un magazine propulsé par Bottega Veneta ont été dévoilés récemment, la temporalité qui correspond à la PFW, sa magnitude et son aura, pousse cette tribune a être utilisée judicieusement. Tombant au même moment que la Fête de la Musique, en 2022, c'était aussi pendant la PFW que Corteiz avait balancé ses tees dans les rue de Paname à des centaines de jeunes marathoniens. Mais à l'inverse de la course au clout des grandes maisons, les jeunes créateurs branchent leur prise pour montrer leur créativité, sans forcément cultiver le buzz. C'est là que le cycle peut devenir vertueux. À quel point ces niches peuvent-elles exploser ? Le culte de la hype peut-il transformer la mode en coquille vide ? Qui appuiera en premier sur le bouton reset comme sur la play ? Buzz pour buzz, likes pour likes ? Réponse au prochain post.
Crédit photo : Style du monde