Comment Alessandro Michele a marqué l'histoire de Gucci ?
07 Dec. 2022
Comment Alessandro Michele a marqué l'histoire de Gucci ?
Fidèle à officiellement depuis 2002, justement où l'âge d'or du porno-chic introduit par touchait à sa fin, on apprenait la semaine dernière la fin d'une époque pour . Alors qu'il avait été nommé directeur de la création de la maison florentine en 2015, il a, durant plus de 7 ans, retranscrit et modernisé à merveille les codes d'une maison âgée de plus d'un siècle. C'est avant tout par son éclectisme et son originalité mesurée qu'Alessandro a marqué les années Gucci jusqu'à en faire la marque la plus populaire à la fin 2021 selon l'. Cependant, à en croire les dires de , la multiplication des collaborations avec Balenciaga, adidas et même Palace ou encore le choix des égéries comme ou se sont finalement avérés peu rentables dans une période où le luxe subit l'inflation malgré ses bons résultats. Michele a quitté son trône et rendu sa couronne, Le Blueprint met en lumière les temps forts de son règne chez Gucci.
Le début d'un règne
Né à Rome en 1972, Michele fait ses classes à l'Accademia di Costume e di Moda. Pris de passion pour la mode, il travaillera chez Fendi en tant que Senior Designer des accessoires puis intègrera la maison florentine dès 2002. Il est alors nommé directeur de la création de la maroquinerie puis devient en 2011 associé de Frida Giannini, la directrice artistique de l'époque. De passage en tant que directeur de la création chez , une manufacture florentine de porcelaine appartenant à Gucci depuis 2013, il sera finalement nommé directeur de la création, en charge des accessoires, sacs et bijoux au sein du studio créatif de Gucci un an plus tard. La nomination de cet homme de l'ombre suite au départ de Frida s'est présenté comme une évidence pour Marco Bizzari qui voit en lui l'avenir de Gucci. Fort d'un parcours singulier dans ce secteur après être passé chez , , , ou encore Bottega Veneta, ce dernier sera nommé PDG de Gucci au même moment que la prise de poste d'Alessandro Michele en 2015. Année symbolisant le renouveau de la griffe puisque Michele a été récompensé du le titre de styliste international de l'année lors des British Fashion Awards.
"Je ne pensais pas lui donner le poste mais en l'écoutant, j'ai compris qu'il était "Gucci". Il vivait dans la peau de la griffe depuis des années. Il était plus Gucci que n'importe qui." Marco Bizzari à propos d'Alessandro Michele
Respirant ainsi l'ADN de la maison depuis près de 13 ans, le créatif inspiré par les imprimés, la fourrure ou les looks rétro façon seventies concrétisera en 5 jours seulement sa première collection grâce à sa connaissance magistrale des archives de Gucci. "Alessandro Michele dispose à la fois des qualités et de la vision nécessaires pour apporter une nouvelle perspective contemporaine à Gucci et diriger la maison vers un nouveau chapitre de son histoire créative" déclarait à l'époque François-Henri Pinault, PDG de Kering. En février 2015, alors que l'historique maison était en perte de vitesse, la griffe florentine mettra en lumière pour la première fois le travail du messie, avec son aura mystique et ses cheveux longs. La Renaissance dans tous les sens du terme s'est alors présentée dans ce défilé, on y trouvait également une pointe d'androgynie qui se confirmera à travers les futurs défilés du directeur de la création.
Le messie de Gucci validé par la haute sphère
Le défilé Croisière de 2015 présenté dans une ambiance warehouse et briques rouges dans le quartier de Manhattan confirmera la prise de décision des dirigeants. De , directrice mode pour Vogue Paris, à la papesse de la mode Anna Wintour, tous valideront le créatif.
En s'inspirant du film fantastique italien Tale of Tales de Matteo Garrone, Michele marque de son génie la Fashion Week Automne/Hiver 2018-2019. En s'associant à l'agence , ils mettront ensemble plus de 6 mois pour confectionner des têtes coupées à l'effigie des mannequins. C'est d'ailleurs lors du Met Gala 2019 que fera un clin d'œil à cette collection. Au même moment, le prince des imprimés et ancien membre des One Direction ; , construira une amitié forte et durable avec Alessandro Michele grâce à leur passion commune pour l'éclectisme dans la mode. "Ses choix sont systématiquement les plus courageux, il est intuitivement au courant de toutes les nouvelles façons de s'habiller. Son répertoire est vaste, il a une idée intéressante de ce qui est sexy et il est particulièrement conscient de son approche éclectique de la mode.", confira même l'artiste au roi du double G. Alliant ainsi excentricité et aristocratie avec un brin de mode british des années 70, ses derniers se sont même associés en juin dernier pour construire une collection commune intitulée "Ha Ha Ha".
Une croissance en baisse : "le Covid tu connais"
Alors que la firme connaissait une croissance phénoménale depuis l'arrivée d'Alessandro Michele et Marco Bizzari, le coronavirus a quelque peu bousculé Gucci. Mais l'orage n'a pas duré puisque la maison florentine s'est avérée être l'une des plus résiliantes du secteur, comme en témoignait sa place de leader dans l'Index Lyst de 2021. Alors après avoir annoncé réduire de moitié ses défilés en mai 2020, la griffe fêtait son centenaire à travers Gucci Aria, un défilé entre passé, présent et futur. Il impose alors son esthétique maximaliste en reprenant la sensualité de Tom Ford et l'anticonformisme de en collaborant directement avec , marque pour laquelle il expose son génie.
Son exubérance le conduira à collaborer avec les plus grands et notamment avec adidas en mars dernier. Alessandro choisira de sublimer des silhouettes vintages de la marque bavaroise, à commencer par les Gazelle. Cependant, les prix très élevés de cette collection n'ont eu de cesse d'accroître le gap entre l'élite et la culture populaire. Le luxe restera le luxe et cette collaboration représentera pour beaucoup un symbole de frustration, à l'image de collaboration entre et ou encore et Nike. Cela ne l'a toutefois pas empêché de s'associer à d'autres leaders du sportswear comme à la sortie de la crise sanitaire ou encore en octobre dernier. Inattendue, cette association Palace x Gucci s'est présentée de manière surprenante, mais très bien contrôlée, mêlant ainsi le savoir-faire italien et l'univers londonien insufflé par Lev Tanju et Gareth Skewis.
Un roi sans couronne
Tout au long de la carrière d'Alessandro, le rapport au double a toujours été une référence pour Michele. Sa campagne "Exquisite" présentant sa collection avec adidas en est l'exemple parfait. Inspirée directement des films de Stanley Kubrick, on y voit entre autres les jumelles Lisa et Louise Burns de The Shining apparaître. Plus globalement, les univers virtuels ont toujours fasciné le designer qui conduira finalement Gucci dans le Web 3.0 et le e-sport. Son dernier défilé "Twinsburg" sera donc l'un des plus spectaculaires de sa carrière puisqu'il y questionne l'identité. Pour la saison printemps-été 2023 présentée en septembre dernier à Milan, il a rendu hommage à la gémellité qui unit sa mère et sa tante depuis toujours.
"Twinsburg joue à ce jeu en générant une tension dans la relation entre l'original et la copie. Comme si par magie les vêtements se dupliquaient. Ils sembleraient alors perdre toute leur singularité. l'effet créé est aliénant et ambigu. C'est presque une faille dans l'idée d'identité. Puis, vient la révélation : les mêmes vêtements dégagent différentes qualités sur des corps apparemment identiques. La mode, après tout, se fonde sur des multiplications en série qui n'entravent pas pour autant l'expression authentique de toutes les individualités possibles." Alessandro Michele
Selon le Journal du luxe : "Gucci enregistre une croissance de ses ventes de 9 % sur le dernier trimestre, alors que ses grands concurrents dépassent les 20 %". Kering a réagi en déclarant "que la vision d'Alessandro Michele n'était plus en adéquation avec les projets prévus pour l'amiral du groupe." En effet, le créatif romain a toujours privilégié la qualité, l'artisanat et l'intemporalité, mais cela a fini par lasser la clientèle chinoise qui reste majoritaire pour Gucci. Le luxe subit l'inflation et les acheteurs asiatiques semblent ralentir leur consommation dans un contexte de crise sanitaire.
Maintenant que le trône du roi est vide, un autre élan créatif est attendu dans les prochains mois pour la marque. Une chose est sûre, la couronne d'Alessandro Michele est sûrement l'une des plus grandes de l'industrie et l'héritier devra prouver à son tour qu'il est à la hauteur des ambitions de Gucci. Les spéculations vont bon train et tout le monde se demande déjà qui pourra lui succéder ? Dans le même registre, vient d'être nommée par les British Fashion Awards comme marque indépendante britannique de l'année. Pressentie pour remplacer [Virgil Abloh](https://wethenew.com/blogs/le-blueprint/virgil-abloh-culture-sneakers-edito ""Virgil Was Here" : l'impact de Virgil Abloh sur la culture") chez , découvrez son parcours juste ici.
Photo de couverture : Vogue