16 Dec. 2021
Nike, adidas, Booba... pourquoi tout le monde se lance dans les NFT ?
"Qu'est-ce que le réel ? Quelle est ta définition du réel ?", voilà les questions que Morpheus posait à Neo avant de l'emmener dans la matrice. Ce sont les mêmes questions que nous posent Nike, adidas, Gucci, et même Balenciaga en sortant leurs NFT et en plongeant dans le monde virtuel du Metaverse. Mais avant toute chose, c'est quoi un NFT ? Littéralement "Jeton Non-Fongible", les NFT sont des actifs numériques uniques et au même titre qu'une œuvre d'art ou qu'une Air Jordan 1 Dior numérotée, ils ne sont pas reproductibles. Hébergés et certifiés par la blockchain, ces NFT des acteurs de la culture urbaine représentent les premières briques d'une street culture 3.0.
Sneakers, mode, rap... pourquoi la culture urbaine veut-elle rentrer dans la matrice ? Pour répondre à cette question, nous avons fait appel à un trio d'initiés composé de Rémi, développeur backend chez Wethenew, d'Anthony, cofondateur de et spécialiste de NFT, et de Jacobo, full stack engineer chez Wethenew. De la place des NFT dans le monde de la sneakers à l'avenir de la street culture 3.0 en passant par la plongée des marques dans le Metaverse, cet édito fait un tour d'horizon de cette nouvelle saison de Black Mirror qui prend place dans le monde réel.
La course aux NFT
adidas x , le rachat de par Nike, Booba... depuis plusieurs semaines les piliers de la culture sneakers et de la culture urbaine au sens large plongent dans le monde virtuel présenté par Mark Zuckerberg comme le monde de demain, où le champ des possibles deviendrait sans limites. Pour Anthony, cette fascination pour les NFT et le Metaverse s'explique assez naturellement : "Au-delà de remplir des fonctions pratiques, les NFT font partie intégrante du Metaverse, cet univers virtuel, qui n’était qu’une utopie ou dystopie il y a encore quelques années avant de rapidement devenir bien réel. Posséder et exhiber ses biens, qu’ils soient chers, rares ou recherchés, n’a jamais été aussi simple que de façon digitale. (...) Honnêtement, c’est déjà comme cela que fonctionnent les réseaux sociaux, avec l’exemple parfait d’Instagram qui est déjà une sorte de mini Metaverse."
Le monde (virtuel) ou rien
Avant de parler de Metaverse, Jacobo met quant à lui en avant le côté spéculatif des NFT qui pourrait s'apparenter au marché de la sneakers : "Il y a des projets NFT qui sont super spéculatifs et on a des infos via des Cook Group sur Discord comme pour les sneakers. Tu achètes au prix retail et ensuite tu peux remettre en vente sur un site qui s'appelle OpenSea et des fois ça se vend, des fois non." Rémi complète lui aussi avec son expérience qui s'apparente aux modes de fonctionnement de l'industrie de la sneaker : "C'est que de la hype. Nous ce qu'on achète, des fois ce n'est même pas considéré comme des NFT et c'est possible que ça n'en soit pas. On a une app sur laquelle il y a des drops et on achète pour revendre. Si tu tombes sur un bon tirage tu peux faire une bonne plus-value."
Streetwear is dead, Metaverse is the heaven
"Tout comme Facebook, Nike fait du Metaverse une priorité. Les brevets déposés englobent la marque Nike, ainsi que les logos “Air Jordan” et "Jumpman" et concernent les sneakers ainsi que l’apparel en général. La marque Jordan avait d’ailleurs déjà mis un pied dans le monde virtuel lors d’un partenariat avec le jeu vidéo Fortnite en 2019 où les joueurs pouvaient contrôler un personnage portant des sneakers de la marque." Anthony pose les bases de l'intérêt de la marque au Swoosh pour le Metaverse qui compte bien rejoindre adidas comme le prouve le récent rachat des pionniers de RTFKT Studios. Jacobo poursuit en voyant les NFT comme une nouvelle source d'opportunité pour les marques : "Le mouvement de la cryptomonnaie est très populaire en Asie et même au niveau global, et pour des groupes de cette envergure, c'est aussi un autre moyen de communication. (...) Ce choix stratégique de la part des grandes maisons ne m'étonne pas."
Or hell
Mais si chaque jour de nouveaux projets émergent sur la toile et de nombreuses marques lancent leurs projets de NFT rendant un peu plus tangible ce monde fictif vanté par le PDG de Meta, Rémi explique que la vérité du monde réel n'est pas forcément celle du Metaverse : "J'avais gagné une raffle pour Hajime Sorayama et je n'ai rien acheté. C'est marrant mais ce qui a de la hype en vrai n'en a pas forcément dans le monde des NFT." Et quand est-ce qu'on pourra se balader avec nos paires préférées dans le Metaverse ? Jacobo est sceptique : "J'ai l'impression qu'on fait un pari sur un monde qui va devenir comme Ready Player One mais que la technologie pour que tout ça soit faisable est assez lointaine. Et culturellement, je ne pense pas qu'on soit prêt pour vivre comme ça. Je ne me vois pas vendre ma maison et sortir de chez le notaire avec le NFT qui représente ma maison comme preuve que je suis propriétaire. Moi je ne crois pas trop en cette idée pour le moment." Et si pour Jacobo le règne du Metaverse est encore assez loin, cela n'a pas empêché le Duc de Boulogne de s'asseoir sur le trône virtuel des NFT dans le rap français.
"Tn" de Booba, Kopp or drop ?
En sortant son nouveau morceau "Tn" et son clip uniquement accessibles aux détenteurs d'un de ses 25 000 NFT, Booba tentait un pari risqué. 4 jours plus tard, le bilan est sans appel : les 25 000 ont été vendus et plus de 500 000€ ont été engrangés. Le Duc de Boulogne a une nouvelle fois prouvé qu'il pouvait vivre avec son époque et s'adapter à sa fanbase qui transcende les générations. Et comme l'explique Rémi, Booba a une nouvelle fois repoussé les idées préconçues sur le caractère élitiste des NFT : "c'est plus à la portée de tout le monde que ce que je pensais. Je me rends compte qu'il y a de plus en plus de gens dedans et que c'est de plus en plus simple d'avoir un wallet. Il n'y pas que des geeks là-dedans." De son côté, Anthony rappelle l'opportunité que les NFT peuvent représenter pour les artistes au sens large : "la plupart des récents investisseurs et artistes du Metaverse ont vu dans les NFT un moyen d’acquérir une liberté financière qui leur semblait inatteignable." La question se pose donc bel et bien : le futur de la street culture se trouve-t-il dans les NFT ?
Street culture 3.0, la pilule bleue ou la rouge ?
Pour Anthony, entre pilule bleue et pilule rouge le choix a déjà été fait depuis longtemps et notre monde ultra-connecté en atteste : "Notre société de manière générale tend à se digitaliser. La mode et les sneakers feront partie intégrante du Metaverse qui n’est ni plus, ni moins, que notre monde actuel sous sa forme la plus virtuelle possible. Posséder des sneakers sous forme de NFT dans le Metaverse sera bientôt une affirmation sociale bien plus importante que les pièces que nous portons aux pieds dans le monde réel." À l'opposé de ces prédictions qui nous envoient directement dans la prochaine saison de Black Mirror, Rémi préfère débrancher la prise : "Moi ça me dépasse trop, ce n'est pas concevable, c'est quelque chose qui ne peut pas voir le jour. Ça existe, mais ça me dépasse trop, aussi au niveau culturel. Il y a encore trop de choses à faire ici avant de travailler sur un monde virtuel."
Impossible pour certains et inévitable pour d'autres, il ne fait aucun doute que la street culture a déjà posé un premier pied dans le Metaverse. À coup d'investissements, de recrutements et de NFT, les marques et les artistes continuent leur immersion dans le monde virtuel. Et la question qu'Anthony nous pose à son tour pour conclure cet édito remet le succès de la street culture 3.0 entre nos mains : "Pensez-vous que notre société accordera de plus en plus d’importance à notre vie virtuelle ou à notre vie réelle ?" Alors, la pilule bleue ou la pilule rouge ?
Photo de couverture : adidas originals