Discutons avec 8ruki
15 Feb. 2024
Discutons avec 8ruki
Sous les têtes de mort rouges de sa dernière mixtape, ‘POURquoi!!’, sortie ce 19 janvier, se cache un artiste à la créativité sans limite, du nom de 8ruki. Si vous étiez à la recherche, il y a quelques années, de jeunes profils à la conquête d’une sans compromission, vous êtes sûrement tombés sur l’artiste de la région parisienne. Avec des débuts sur Soundcloud, 8ruki s’est vite lancé à la conquête des plateformes de streaming, sous l’impulsion de son propre label : 33 Recordz.
Le mantra du rappeur est simple : n’avoir aucune limite. En ne se préoccupant d’aucun code pré-établi, Ruki nous livre une musique libre de toute convention et aux multi-influences. Plugg, jersey, drill… Sa personnalité avant-gardiste et innovante s’adapte aux prods et à ses multiples featuring, grâce à une honnêteté et une authenticité plus que saisissante. L’équipe du Blueprint est partie à la rencontre du rappeur, cherchant à en savoir plus, sur l’étoile montante de la scène underground !
Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots, ainsi que ton nouveau projet ‘POURquoi!!’ qui est sorti récemment ?
Alors, moi c’est 8Ruki, PDG du label 33 Recordz, artiste on va dire assez polyvalent. Je fais pas mal de trucs en vrai. Je m’essaye à pas mal de choses dans l’art. ‘POURquoi!!’ c’est vraiment mon année 2023, c’est tous les sons que j’ai fait sur l’année, que j’ai regroupé sur un projet. Y’a pas vraiment de cohérence, mais c’est pour ça qu’il y a le terme mixtape. C’est fait par mon frérot et DJ, Mayungos, en vrai, on voulait redonner la couleur des mixtapes un peu à l’ancienne.
Pourquoi avoir décidé de feat avec Mister V ? Peux-tu nous raconter comment s’est passé la rencontre, et le processus de création du son 'OH LAla!!' ?
Il s’est connecté avec mon frérot Rowjay, du coup, de part le frérot Rowjay, je voyais un peu ce qu’il faisait. Puis c’est un supporter sur les réseaux qui a fait un tweet. En fait, ça part d’un tweet cette connexion. Il disait qu’il verrait bien un feat avec Mister V, et du coup lui, il a envoyé un message en disant qu’il était hype. Je pense qu’il écoutait ce que je faisais, moi ça fait longtemps que je connais le personnage. Donc, je me suis dit que ça pouvait être cool, vu qu’on est pas vraiment dans le même univers, ça pouvait faire une bonne connexion et créer un truc assez nouveau. Directement, il nous a invités chez lui et, ça s’est fait vraiment naturellement.
Quelles sont tes influences ? Qu’elles soient musicales, mais même au niveau de la mode ?
Ça va être une réponse un peu facile, mais un peu tout. Je m’inspire des films que j’ai regardé pendant toute ma vie, j’écoute beaucoup de styles de musique différents… J’essaye d’être ouvert sur tout. Je pense qu’on peut choper de l’inspiration dans n’importe quoi, même des choses dont on est pas vraiment fan. Je sais pas comment exprimer ça, mais, je suis vraiment ouvert sur le monde en fait. J’aime bien regarder des trucs que je connais pas, même si après je continue pas dedans, je sais que je prends de l’expérience en me renseignant, donc j’essaye de me documenter sur tout. Que ce soit de l’histoire, du cinéma, de la musique… Même des fois des trucs qui n’ont rien à voir avec ça, genre je peux regarder un sketch, ça va m’inspirer. J’essaye de pas avoir de limites.
Tu fais des prods, tu as fait ta propre pochette de mixtape, tu es ton propre styliste, est-ce que pour toi c’est important de toucher à tout pour un artiste ?
C’est exactement ça. J’ai aucune qualification, je me laisse vraiment tout essayer. Je suis pas du tout graphiste, j’ai aucune base de graphisme, mais j’essaye de trouver des outils qui me permettent de pouvoir m’exprimer comme je peux. Après, j’ai aussi la chance d’être assez bien entouré. Par exemple, pour le graphisme. Je vais faire ma cover avec des applis un peu banales, que j’ai trouvé sur l’iPhone, et après je vais essayer de voir avec mes amis graphistes, s’ils peuvent me mettre ça en forme.
Pareil pour la mode. J’ai aucune notion dans la mode, j’aime juste le visuel. C’est le rap qui m’a introduit à la mode, mais du coup, je regarde des vidéos, je regarde des défilés, j’essaye de faire des pièces… Même si je n'y connais rien du tout, je veux juste pouvoir m’exprimer, être libre. Je pars du principe qu’on est pas vraiment fait que pour une chose, et qu’à partir du moment ou t’as une vision, tu peux l’exprimer dans différents médias.
C’est dans cette même dynamique que tu as créé ton label, 33 Recordz ?
Exactement. Je pense que toute ma vie, en tout cas dans la musique, je pensais tourner autour de ça. Je sais que je peux faire quelque chose, je sais que j’ai une bonne vision, et je pense que cette vision, tu peux la décliner dans tout ce qui te permets de t’exprimer. Demain, si j’ai envie d’essayer de faire de la poterie, je sais que quand je vais essayer, ça va pas être fou. Mais, j’aurais réussi à honnêtement exprimer ce que j’ai en moi, et tant que j’arrive à décliner une idée en quelque chose de « physique », je trouve ça cool, parce que c’est honnête.
Après, s’il y a un truc qui m’intéresse vraiment, je vais vraiment me mettre dedans plus sérieusement. Mais ouais, c’est dans cette démarche là que je fais tout ce que je fais. J’aime beaucoup apprendre sur le terrain, j’aime beaucoup avoir des difficultés, essayer de les surmonter avec ce que j’ai, et je pense que ça me pousse à avoir une certaine dynamique et une certaine éthique de travail.
En France, tu es reconnu comme l’une des figures principales de la Plugg music et du DVM flow, est-ce que tu te reconnais la dedans ?
Je pense que c’est plus facile de le prendre comme ça, pour que les gens comprennent, de mettre des choses dans des cases. Il y a cette facilité en France, partout, mais surtout en France.
Les gens disent que je suis un des pionniers de la plugg en France. Mais je pense que je me résume pas qu’à ça, parce que j’ai pas fait tant de sons plugg que ça. C’est plus ceux qui ont le mieux marché, quand la plugg était en avant. Mais en fait, j’ai toujours tout testé. J’ai fait de la plugg, j’ai fait de la drill, j’ai fait de la jersey, j’ai fait de la trap, je chante… Mais après, c’est normal de tout mettre dans des cases, parce que les gens s’identifient. En vrai, je suis quand même content, parce que ça veut dire que ce que j’ai fait, au moment où ça a été vu, ça a été bien fait, et ça a été apprécié du public. Donc je le prends bien.
Est-ce que tu as envie de faire passer un message particulier dans tes sons, ou est-ce que c’est plus un moyen pour toi de juste créer et de te défouler ?
Je pense que le son pour moi, ça a plusieurs rôles. Déjà, personnellement, c’est une sorte de thérapie. Ça me permet d’exprimer des choses de ma vie, que je peux pas forcément exprimer ailleurs. Bon, maintenant, j’essaye de peindre, de faire des trucs, donc j’y arrive. Mais, je pense que le son, ça me permet de me faire du bien.
Ensuite, ça me permet de passer un message à toutes les personnes qui veulent vraiment être libres. Comme je dis souvent, tu peux être qui tu veux, quand tu t’en donnes les moyens. Moi maintenant, je fais des tournées. Avant, j’y aurais jamais cru si on me l’avait dit. Je pense que ma musique, elle touche beaucoup de gens, parce que c’est des émotions. Je sais très bien que j’ai pas la meilleure plume du rap français, mais je pense que j’arrive très bien à retranscrire mes émotions. Et même, j’ai une vie très simple, mais tout le monde a des choses à raconter. Tout le monde vit des choses, tout le monde a des déceptions, tout le monde à des joies. Tu t’es fait trahir, t’as commencé à faire de l’argent, ou ton truc il marche… Je parle vraiment de ce que je vis. Donc je pense que ça me permet de parler à des gens qui me ressemblent, très simplement. Et je pense aussi que c’est de la musique assez motivante, du fait que c’est assez simpliste dans les lyrics.
En fait, un des messages que j’essaye de faire passer, c’est que quoi que tu fasses, tant que tu le fais honnêtement, ça peut avoir une couleur très intéressante. Même ma façon de m’exprimer sur les réseaux, par exemple sur Twitter. J’essaye d’être le plus positif possible, et de faire comprendre aux gens que si t’as un truc que tu veux faire, fais le. Te mets pas de barrières, fais le avec le cœur et, si c’est fait avec le cœur, il y aura forcément un public pour ça. On est beaucoup d’êtres humains sur la planète, alors tu vas forcément parler à quelqu’un. Si t’as envie d’écrire un livre demain, c’est pas parce que t’as pas fait d’études de langues, que tu peux pas en écrire un. Si tu te donnes les moyens, tu vas réussir à écrire ton livre. C’est l’honnêteté, la liberté, essaye de faire ce que tu veux faire. C’est très simple, mais c’est la vie. Demain on peut traverser la rue, et se faire tamponner par une voiture. Si tu dois faire quelque chose aujourd’hui, et que tu veux le faire, fais-le.
Ce serait qui tes feats rêvés ?
Il y en a beaucoup en vrai. J’ai un tas de noms, ça prendrait mille ans. Mais si on parle en termes de musique hip-hop, j’aimerais beaucoup faire un projet avec Brodinski. C’est un des gars qui a eu cette grosse carrière dans la musique électronique. Et du jour au lendemain, il s’est dit, en vrai, je suis pas cantonné qu’à ça, donc je me lance dans le hip-hop, et maintenant ça marche très bien. Ouais, un mec comme ça qui me ressemble, mais qui a beaucoup plus d’expérience que moi. Sinon en vrai y’a pleins de gens. Pharrell, mais c’est un peu un rêve, mais, en mec accessible, c’est Brodinski.
C’est quoi tes projets pour l’avenir ? Est-ce que tu as des envies qui vont au delà de la musique, ou est-ce que pour le moment tu souhaites rester dans ce domaine là ?
Je design, en même temps j’aime beaucoup la DA. J’ai bossé ma cover, la cover des artistes de mon label, la DA sur des clips. En fait, je veux tout essayer : je peins, j’ai déjà fait de la céramique... Je veux voir jusqu’où je peux emmener ma vision. Je pense que je veux aussi me prouver à moi même que j’ai une vraie vision. Je sais que j’en ai une bonne, et j’ai envie de voir si elle est cohérente avec le monde dans lequel je vis. Et si j’arrive vraiment à transmettre un truc honnête dans tous les mediums de l’art utilisables. En même temps, j’écris un livre, j’écris beaucoup.
Donc ouais, je pense dans pleins de trucs. Écrire un livre, la peinture, la mode… Je mets pas un truc au dessus de l’autre, j’essaye, et s’il y a un truc qui prend, ça prend. Et si ça prend pas, c’est des archives, c’est important pour plus tard. C’est cool de se remémorer les trucs que t’as fait dans ta vie, montrer à tes enfants. Je pense que je veux être un bon exemple pour mes enfants, pour mes petits frères et sœurs, de leur montrer que tu peux tout tester, être qui tu veux. Je fais ça pour me sentir bien aussi je pense, mais ouais, je mets 0 limites.
Tu donnerais quel conseil à un jeune qui veut se lancer dans la musique ?
Franchement, ce serait de se lancer, c’est aussi bête que ça. Des fois, on hésite parce qu’on pense qu’il y a des paramètres très techniques pour faire certaines choses, mais en vrai le plus technique, c’est juste de le faire. Par exemple, demain, je veux interviewer des gens. Même si j’ai aucune notion de ça, je pourrais m’améliorer que si je me lance, et que je vois sur quoi je dois travailler. Le plus important, c’est juste de se lancer, de pas hésiter, de croire en soi et de le faire avec le cœur, et pas avec des intentions uniquement pécuniaires. À partir du moment où t’es dans l’art, le plus important, c’est ce qui passe par ton cœur. Si tu te lances honnêtement, tu vas finir dans tel endroit, tu vas rencontrer telle personne, qui a elle plus d’expérience, qui va sentir cette honnêteté, et qui va pas hésiter à t’accompagner parce qu’il aime bien l’énergie, et toi, tu vas apprendre des choses. Se lancer, ça débloque tout.
Alors, si comme 8ruki vous aimez l'art en général, n'hésitez-pas à jeter un œil à notre dernier édito , sur
Crédit photo : Roxanne Peyronnenc