Mauvais œil, Or Noir, A7... Ces albums qui ont marqué le rap français
02 Feb. 2024
Mauvais œil, Or Noir, A7... Ces albums qui ont marqué le rap français
Né dans les rues de New-York et propulsé par Afrika Bambataa, Kurtis Blow ou encore Grandmaster Flash, le rap a rapidement traversé l’Océan Atlantique pour continuer son chemin en France. Avec ses paroles crues et ses punchlines incisives, le genre musical n’a pas tout de suite conquis le cœur du grand public, se contentant d’auditeurs sensibles aux discours conscientisés et parfois dénonciateurs. Évidemment, même si l’essence du rap français reste de dépeindre son train de vie et ses galères, celui-ci a fortement évolué depuis, jusqu’à devenir, l’un de genres les plus streamés de l’Hexagone.
On se demande souvent si le rap, c’était mieux avant. Avec l’arrivée de la et des artistes tels que , Khali ou So La Lune, l’heure est aux expériences sonores et à l’absence de compromissions, irritant parfois les fidèles auditeurs de ‘Suis-je le gardien de mon frère’ ou de ‘Présumé coupable’. Mais, si cette nouvelle vague peut désormais gagner son pain grâce à son travail, il ne faut pas oublier que c’est en partie grâce à des projets qui ont popularisé cette sphère musicale, et notamment grâce à des artistes qui ont inspiré la jeune relève. Découvrez tous ces albums qui ont marqué le rap français, dans ce nouvel article du Blueprint !
L’école du micro d’argent - IAM - 1997
Quand on pense au ‘vieux’ rap français, un nom vient toujours se glisser dans la conversation. Celui d’IAM. Si ce nom peut sembler lointain pour les plus jeunes d’entre nous, les membres d’IAM sont pourtant des piliers dans l’industrie musicale, et impactent encore nos références actuelles. La technicité d’Akhenaton dans le titre éponyme ‘L’école du micro d’argent’, rappelle sans précédent la façon dont Nekfeu manie les assonances dans ses morceaux. Entre un sample du mythique ‘C.R.E.A.M’ du Wu-Tang-Clan dans ‘Petit frère’, ou encore un début d’instrumental asiatique dans l’intro du projet, ce 3e album des rappeurs marseillais possède lui-même ses propres influences. L’école du micro d’argent se conclut de la meilleure des manières : par le morceau fleuve ‘Demain, c’est loin’, un classique de 9 minutes à connaître absolument.
Opéra Puccino - Oxmo Puccino - 1998
Âgé d’à peine 24 ans, Oxmo est arrivé dans le rap français avec une plume inimitable, et une manière d’imager sa vie par les mots sans pareil. Membre du collectif Time Bomb, aux côtés notamment de Booba et Ali, il nous a livré un projet empli d’une sagesse et d’une maturité perturbante pour son jeune âge. D’ailleurs, Puccino reste encore aujourd’hui, en marge des codes pré-établis du rap. Une différence qui n’a pas suffi à faire taire les déceptions sur les quelques feats du projet. Si ‘La loi du point final’ avec Lino, a été acclamé par la critique, les flows de K-Reen et Freeman dans ‘Mensongeur’ et ‘La lettre, tant de choses à dire’, ne bénéficieront pas du même succès. Malgré ça, Opéra Puccino fut certifié disque d’or en 2006, soit presque 10 ans après sa sortie : un véritable exploit de longévité, qui prouve la qualité du projet.
Mauvais œil - Lunatic - 2000
Une chose est sûre, Mauvais œil fait partie de ces projets qui n’ont pas pris une ride au fil du temps. 24 ans après sa sortie, ce classique à la pochette bleutée se réécoute sans aucune modération. La complémentarité du binôme Booba/Ali permet des titres comme ‘Têtes brûlées’ ou ‘Le son qui met la pression’, avec des jeux de passe-passe qu’on n’a plus entendu jusqu’à la sortie de ‘Compte les hommes’ de Nekfeu et Alpha Wann. L’album du duo a percuté le rap français en pleine tête, tout comme l’arrivée de B2O sur le son ‘La lettre’ : ’18 août 98, dans cette putain d'maison d'arrêt. Ils m'disent que j'sors bientôt, à c'qui paraît’. Bref, Lunatic, c’est la référence de ta référence.
La cerise sur le ghetto - Mafia K’1 fry - 2003
L’association de malfaiteurs qu’est la Mafia K’1 Fry regroupe des têtes actuelles que vous connaissez sûrement. Entre autres, Rim’K, Rohff ou encore Kery James. Accompagnés de leurs fidèles Manu Key, Dry, Demon One, et bien d’autres encore, c’était pour l’époque assez inédit qu’une union pareille voie le jour. Après s’être installé en 1998, avec un EP nommé Légendaire, l’équipe du 94 a remis le couvert, avec leur tout premier album La cerise sur le ghetto, en 2003. Au programme, des couplets aux rimes hardcore et saignantes, portés par l’association des groupes 113 et Ideal J. Et dans ces 16 titres, se niche une des plus grosses références du rap français : ‘Pour ceux’. Si le son résonne comme un hymne dans tout le Val-De-Marne, le clip, lui, a eu une portée mondiale, venant même à secouer le grand Jay-Z. C’était l’une des premières fois qu’un clip vidéo de rappeurs cherchait à simplement dépeindre le train de vie de ceux-ci. Pas de direction artistique aux influences R’N’B, pas d’envie d’imiter les ricains, ni de pouvoir passer sur les chaînes de télévision : 'Pour ceux' rameute les gueules cassées du collectif, dans les rues de Vitry-Sur-Seine, entre les enfants du quartier et le kebab du coin. L’entraînant refrain de Rohff jongle avec les voitures cabossées, et les cheveux à l’époque encore présents, de Tonton Rim’K.
Ouest Side - Booba - 2006
Après avoir fait son bout de chemin avec Lunatic, le Duc de Boulogne a eu la brillante idée de se concentrer sur sa carrière en solo. Un choix respectable qui nous a permis de profiter des noooombreux classiques de B2O. Entre Temps Mort, Panthéon, Lunatic ou encore Nero Nemesis, Booba a su, en ses 25 ans de carrière, se réinventer à chaque projet, sans pour autant perdre ses Ratpis préférés. Malheureusement, la liste ne peut pas contenir toute la discographie du rappeur du 92i, alors pour cette sélection, c’est Ouest Side qui sera retenu. Rien n’est à jeter dans cet album de 16 tracks. 'Pitbull', 'Mauvais Garçon', 'Garde la Pêche', 'Boulbi'… Chaque titre profite des punchlines crues et acérées de Booba, qui s’adoucissent avec la participation chantée de Akon dans le titre 'Gun In Hand'.
Dans ma bulle - Diam’s - 2006
Une autre bombe est venue s’exploser sur l’hexagone en 2006 : Dans ma bulle de Diam’s. La rappeuse, qui s’est aujourd’hui éloignée du monde médiatique, s’était déjà faite remarquée grâce à son album Brut de femme sorti 3 ans plus tôt. En même temps, à l’époque, il était rare que les femmes prennent le mic. Et encore moins, avec la hargne et le mordant dont Diam’s fait preuve. Le projet Dans ma bulle regroupe le meilleur de Mélanie, mélangeant des sons conscients et dénonciateurs comme ‘Marine’ ou ‘Ma France à moi’, des sons ambiançants à la ‘Jeune demoiselle’, et bien évidemment le plus gros banger féminin de notre génération ‘Confessions nocturnes’. En 2009, l’artiste a définitivement quitté la scène musicale, en partant sur l’une des plus touchantes outros du rap français : 'Si c’était le dernier'. Cependant, si elle vous manque trop, vous pouvez tout de même retrouver un documentaire sur sa reconversion à l’islam sur Prime Vidéo.
L’école des points vitaux - Sexion d’assaut - 2010
La Sexion d’Assaut, c’est un peu les Avengers mais version casquette à l’envers. Même s’ils ont tenté de se reformer lors d’une tournée spéciale en 2022, leur séparation semble avoir atteint le point de non retour. Avec toutes les histoires entre le label Wati-B, et Gims, les carrières solo réussies (ou non) pour Lefa, Maska, Black M ou encore Barack Adama, la Sexion ne se regroupera probablement jamais. Pourtant, leur connexion était remarquable, et s’est parfaitement démontrée dans leur album de 2010. Même si la plupart des sons qui avaient marqué l’époque n’ont pas forcément bien vieilli, les bangers ‘Wati by Night’ et ‘Désolé’ restent encore des incontournables pour rythmer nos soirées.
Or Noir - Kaaris - 2013
Si Booba commence sérieusement à agacer les réseaux ces derniers mois, personne ne peut nier son talent pour dénicher les futures têtes d’affiche. Kaaris, Damso, Maes, SDM… Tous les poulains du 92i ont connu le succès et la gloire. Bon, la bonne entente avec le Duc de Boulogne n’a jamais duré bien longtemps, sauf pour SDM qui compte rester en bon terme avec B2O. Pourtant, s’il y en avait un qu’on voyait succéder à Booba, c’est bien Kaaris. Avec son entrée fracassante sur le titre ‘Kalash’, l’audience était suspendue aux lèvres du rappeur de Sevran, jusqu’à la sortie de son projet Or Noir, un an plus tard. Et le projet qui fêtait ses 10 ans l’année dernière, a complètement retourné le cerveau du public. Le ton a été donné dès le début de l’album, avec un enchaînement magistral de ‘Bizon’ et ‘Zoo’. Bref, comme il le dit si bien lui-même : "Je suis capable du meilleur, comme du pire, mais c’est dans le pire que j’suis le meilleur". Merci au Dozo pour les travaux.
Dans ma paranoïa - Jul - 2014
On expliquait récemment pourquoi . Fort de son caractère simple et humble, le Marseillais a enchaîné les sorties, jusqu’à dévoiler son 30e projet vendredi dernier. En tant que vraie machine à hits, le J compte dans sa discographie plusieurs titres et projets qui ont marqué la sphère musicale. Et, selon notre équipe, celui qui restera une figure emblématique du paysage musical, reste son tout premier projet, Dans ma paranoïa. Imaginez, vous venez de vous prendre la claque de votre vie avec la voix grave du rappeur 2.7.0, et voilà qu’une mèche blonde arrive avec une autotune parfaitement maîtrisée, et des intrus dansantes. Preuve de génie, le ton aigu de Jul n’a pas tout de suite fait l’unanimité. Il faudra attendre plusieurs années pour que l’OVNI soit reconnu à sa juste valeur. Aujourd’hui, ‘J’oublie tout’, et ‘Sort le cross volé’ résonnent dans les enceintes de la France entière, et ce n’est pas pour nous déplaire.
Ateyaba - Ateyaba - 2014
Dans un tout autre registre, l’année 2014 a accueilli l’album éponyme Ateyaba, de l’ancien Joke. Le rappeur aux origines togolaises a installé son univers violet, combinant un flow nonchalant et certains beats encore très modernes pour l’époque. Avec des influences rock, électro, trap, des apparitions allant de Dosseh à Pusha-T, Ateyaba ne se prive pas. Et cette liberté omniprésente, et ce mélange de genres musicaux, a sûrement poussé la création de celle qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de la ’New Wave’. Si le grand public n’était peut-être pas encore totalement prêt à recevoir cet album en 2014, Ateyaba est aujourd’hui un incontournable, qui a permis la naissance de ceux qui bousculent les codes aujourd’hui.
A7 - SCH - 2015
La scène marseillaise est forte, très forte. Parce que quand on a des aînés comme IAM ou Le Rat Luciano, il peut être difficile de trouver sa place. Mais, tout comme Jul, SCH a su trouver sa propre identité musicale, qui reste encore à ce jour inimitable. ‘Gomorra’, ‘Rêves de gosse’, ‘John Lennon’…. Les 13 titres qui composent A7 s’élèvent par le phrasé légendaire du rappeur à fourrure. Et si cette mixtape a eu autant de succès, c’est parce qu’en plus de sa cohérence sonore et visuelle, le premier projet du sudiste est sorti près de 10 ans après le début de carrière de SCH dans le son. Julien n’a pas pris le train en marche : il a attendu le terminus pour prendre la place du conducteur. Cette attente lui a été plus que bénéfique. Arrivé comme meilleur rookie de sa génération, il remplit aujourd’hui le Bercy et le Vélodrome, tout en s’asseyant sur le siège du jury de Nouvelle École. Une évolution plus que respectable.
Feu - Nekfeu - 2015
L’année 2015 a entaillé le monde du rap grâce à ses jeunes artistes prêts à s’imposer face aux OG. Et même si Feu n’a pas si bien vieilli que ça, il représente un tournant majeur dans l’industrie. Nekfeu a su démocratiser un genre, qui à l’époque retentissait comme vulgaire et violent dans les oreilles du grand public. Ce n’était peut-être pas intentionnel de la part de l’ancien participant de Rap Contenders, mais son projet Feu a rendu accessible le rap. C’est grâce à des sons comme ‘Martin Eden’ ou ‘Risibles amours’, qu’on a pu convaincre les haters que oui, les rappeurs savaient lire, et que oui, le rap c’est bien plus complet qu’il n’y paraît. Suivi de Cyborg et Les étoiles vagabondes, le Fenek s’est désormais retiré des radars, nous laissant plus que notre playlist pour pleurer.
Dans la légende - PNL - 2016
Il a été difficile de faire un choix, tellement les deux frères cumulent les classiques. Après Que la famille et Le monde Chico en 2015, Dans la légende en 2016, et Deux frères en 2019, Tarik et Nabil ont réalisé le perfect dont rêvent tous les mélomanes. 0 interviews, 0 feats, mais surtout 0 raté. Mais comme il fallait bien en choisir un, c’est Dans la légende qui sera retenu. Personne n’a jamais aussi bien maîtrisé le cloud rap que le duo de Tarterêts, et DLL le démontre parfaitement. ‘DA’, 'Bambina’, ‘Onizuka’… Les instrus planantes se suivent sans pour autant se ressembler, tout en se mélangeant aux voix mélodieuses et mélancoliques de PNL. En résumé, un no-skip.
Ipséité - Damso - 2017
La Belgique n’a plus rien à prouver dans le domaine musical. Tous ces artistes francophones affolent les plateformes de streaming à chaque sortie. Parmi eux, un rappeur à la carrure sombre et mystérieuse : Damso. Lui aussi remarqué par Booba, on l’avait découvert sur le titre ‘Pinocchio’, en 2015, grâce à son couplet qui devrait être interdit aux moins de 18 ans. Très vite après ce succès obscur et ténébreux, il avait retrouvé son nouveau public sur le projet Batterie Faible, et a confirmé sa puissance sonore sur Ipséité en 2017. Si Batterie Faible aborde des sujets comme l’alcool, la drogue et les femmes, le Dem’s se livre quelque peu plus dans Ipséité, en dévoilant la solitude à laquelle le rappeur fait face, ses craintes et ses peurs. Évidemment, on retrouve tout de même les pensées salaces de Damso dans ‘Macarena’ ou ‘J Respect R’, mais l’album est poussé par des titres plus introspectifs comme ‘Mosaïque solitaire’ ou ‘Peur d’être père’, qui permettent un projet complet, alliant kickage et voix chantée.
L’étrange histoire de Mr Anderson - Laylow - 2021
Après l'engouement de Trinity, le retour de Laylow était attendu au tournant. Bien que Mr Anderson n'est vieux que d'à peine 3 ans, on peut déjà le considérer comme un classique du rap français. Si une cohérence sonore et visuelle est souvent attendue par les fans de rap les plus exigeants, Mr Anderson a mis la barre très très haute. Accompagné d’un court-métrage à la DA délirante et d’interludes entre chaque titre, le projet s'écoute comme une véritable histoire. Les passages audio sont comptés par Mr Anderson, l’alter-ego de Jay, un personnage à la vie médiocre, qui sera tenté de suivre ses rêves, au fil de l’album. Pour accompagner le binôme dans leur quête d’émancipation, Laylow s’octroie la présence d’invités de marque : Nekfeu, Damso, Hamza, Alpha Wann… Tous se prêtent au jeu, accordant parfaitement leur jeu de rimes avec le personnage introspectif du rappeur comorien.
LMF - Freeze Corleone - 2019
Parce que dans le rap, on aime les personnages sombres et torturés, place maintenant à celui qui fait trembler les ministères (et pas celui d’A.M.E.R), Freeze Corleone. Déjà remarqué grâce à son Projet Blue Beam dévoilé un an auparavant, le membre du 667 a provoqué un séisme avec la sortie de LMF en 2019. Pas seulement par ses sons aux basses 808 qui mettent à l'épreuve nos enceintes, mais par son découpage d'instru unique et rempli de références. Avec des s/o et ekip à chaque phrasé, il a fallu un léger temps d'adaptation au grand public pour valider le rappeur lyonnais. En même temps, celui-ci n'a pas cherché à plaire (et il a bien raison). Insolent et cynique, celui qui valide les plus grands complots et théories de l'histoire, a sorti son projet le 11 septembre, tout comme son nouvel album ADC il y a quelques semaines.
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Crédit photo : Laylow