22 Feb. 2024
Ami des stars, artiste, activiste… Le Blueprint vous tire le portrait de JR
Sous ses lunettes noires et son chapeau emblématique, se cache JR, de son vrai nom Jean René. Artiste polyvalent, à la fois street artiste, photographe, réalisateur et activiste, il a fait de la rue son terrain de jeu, et d’Instagram son portfolio. Ces deux initiales sont pour le moins communes, mais quand on découvre qui se tient derrière, on sait tout de suite qu'il n’a rien de commun. À travers ses clichés négatifs et ses multiples voyages, il a su donner la parole aux gens qui ne l’avaient pas, à travers des clichés figés, mais pas que. Entre photographies, performances, courts-métrages et activisme, découvrez qui se cache derrière tous ces travaux, souvent connus, d’un artiste méconnu, qui redonne sourire et espoir au monde. Ah oui, et avant d’oublier, joyeux anniversaire JR (si tu nous lis) !
Recoller les morceaux de ses débuts
Né à Paris le 22 février 1983, Jean René grandit à Montfermeil, qui sera sa première source d’inspiration. Après cette ville, il migre dans le quartier de Belleville, pour étudier, avant de débuter sa carrière dans le graffiti, en tant que jeune adulte, même si le graff est avant tout une passion, plus qu’une carrière. Son penchant pour la photographie arrive presque par hasard, lorsqu’il trouve un appareil photo dans le métro, qui deviendra son partenaire de vie, jusqu’à aujourd’hui. Selon lui, l’art doit parler à tous et pour tous. Dans une interview accordée à Numéro, il s’exprime : “La base de mon travail, c’est de faire participer le plus de gens possible”. À travers ses différents projets, qui ont évolué avec lui et ses rêves, il met les personnes et les communautés au centre de son travail, et rend visible ce qui est invisible pour une (trop grande partie) du monde.
Ne serait-ce pas l’essence même du street art ? Rendre l’art accessible à tous. Comme ses prédécesseurs tels que Banksy, Miss Tic, Blek le Rat ou encore Jef Aérosol, JR est un artiste engagé, qui prend la parole à travers ses photographies, en dénonçant les injustices de notre société. Banksy recouvrait le mur de la poste de Kiev par un pochoir, quand JR masquait la frontière qui sépare le Mexique des États-Unis par le portrait d'un petit garçon. Le point commun entre les deux œuvres ? Dénoncer à travers l’art.
Plus que de simples artistes, ces figures de l’art de rue sont devenus de vrais poètes évocateurs, à travers des dessins et clichés. Pas de parole ou d’alexandrin, mais des dessins et photographies, qui n’ont pas besoin de sous-titres pour qu’on les comprenne.
Représenté par la galerie Perrotin, Pace Gallery, Nara Roesler et Galleria Continua, JR possède à côté de cela, la plus grande galerie d’art au monde, puisque c’est littéralement, le monde entier et les diverses rues qu’il côtoie au quotidien. Avec sa technique de collage photographique, il transforme ce qu’on connaît du musée, en s’écartant des 4 murs fermés d’un établissement, pour recouvrir ceux de la rue, et ainsi attirer l’attention des personnes qui ne fréquentent pas forcément ces institutions culturelles.
Découvrez l'artiste à travers ses projets
Sa première exposition voit le jour en 2004, là où tout a commencé pour lui : Montfermeil. Avec l’aide du réalisateur, pluridisciplinaire et ami, Ladj Ly, il transforme la cité des Bosquets en véritable musée à ciel ouvert, en recouvrant de portraits de jeunes les murs du quartier. Considéré au début comme un photographe “clandestin”, il réussit à travers le projet 28 millimètres : portrait d’une génération, à interroger l'œil du passant, le questionner, et apporter une nouvelle dimension sociale et médiatique de ces visages, trop souvent aperçus qu’à un seul endroit.
D'abord considéré comme photographe, il se trouve que JR a plus d’une corde à son arc, et participe en 2005 au long-métrage de Sheitan, en tant que photographe de plateau. Il fait ainsi la rencontre d'artistes comme Blek le rat ou encore Shepard Fairey.
Quelques années plus tard, il met en œuvre sa deuxième exposition publique illégale baptisée Face to Face, qu’il exporte cette fois au Proche-Orient, à la frontière entre Israël et la Palestine. Ce projet rassemble des portraits d'Israéliens et de Palestiniens, qu’il place face à face. Selon lui, cette action artistique est avant tout un projet humain, qui reste depuis le début le cœur de son travail.
Outre les communautés, la femme tient un rôle important, voir prépondérant dans son œuvre, au sens large. En 2008, il se rend à Rio de Janeiro dans une favela, et la recouvre entièrement d’immenses photos de visages et de regards féminins. Il part des matériaux de la favela et de ce qui la constitue pour créer cette œuvre géante, s’inspirant de l’environnement urbain et socio-culturel.
Durant deux ans, le projet se poursuit et voyage à travers le monde. Un documentaire appelé WOMEN ARE HEROES voit le jour, et passe d’un art à un autre, avec le même engouement. Il sera d’ailleurs présenté au Festival de Cannes et permettra à JR de recevoir le TED Prize en 2011.
En 2014, il colle sur un porte-conteneur la photo d’un regard de femme, qui voyage jusqu’en Malaisie, et ne manque pas (une fois de plus) d’interpeller les passants.
Parmi l’un des plus grands projets du photographe, on ne peut pas passer à côté d’Ellis Island. C’est sans doute l’une des îles les plus connues du globe, et l’une des plus chargées d’histoire. Située à côté de la Statue de la Liberté, c’était au début du 20e siècle, le point d'entrée de millions d’immigrants. Pour l’occasion, JR a plongé son nez dans les archives de l’île, en créant une vingtaine de collages dans l’enceinte de l’ancien hôpital, maintenant abandonné, qui accueillait les malades et blessées de l’époque.
Pour lui, comme pour beaucoup d’artistes, la photographie s’accompagne souvent de la vidéo. Un an après son travail sur Ellis Island, il signe le court-métrage Ellis, écrit par Eric Roth, qui a pour seul et unique acteur Robert de Niro, qui s’avère être une connaissance et ami de longue date de l’artiste français. Plus qu’un simple travail cinématographique, ce film fait appel à notre mémoire collective, en racontant l’histoire de ces migrants qui ont construit l’Amérique, et ceux qui continuent de la créer encore aujourd’hui !
Des œuvres coup de poing, qui nous mettent un coup
Outre ses prémisses dans le monde de l’art de rue, JR a petit à petit acquis une très grande notoriété aux quatre coins du monde, et même dans le cercle très fermé des stars. Au Japon sur une moto avec Pharrell, jusqu’au Brésil dans les favelas avec Lewis Hamilton en passant par Paris bras dessus-bras dessous avec Agnès Varda, il accumule les amitiés, autant que les projets.
Parmi ses œuvres coups de poing, on compte entre autres, Le secret de la grande pyramide, une installation immersive, au pied de la pyramide du Louvre. Après l’avoir fait disparaître, il la refait “sortir de terre” quelques années plus tard, sous forme d’anamorphose.
Avec la collaboration de l’artiste disparue Agnès Varda, il co-réalise Visages, villages, projeté au festival de Cannes, et récompensé par de nombreux prix à travers le monde. Outre le film, de nombreuses photographies se sont posées sur les murs de la capitale, le temps d’un instant.
JR est autant artiste qu’humaniste. Au-delà de ses collages, il souhaite délivrer des messages, en réunissant les communautés et les horizons. En 2017, il fait une double installation à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. D’un côté, The picnic at the border, qui est en réalité une immense table placée sur le sol des deux pays, réunissant les Mexicains et les Américains. Dans le documentaire, JR, Papier & Colle, on peut suivre l’artiste dans son procédé créatif, et les gens qui s'interrogent sur cette installation, avant d’y prendre part. Touchant et captivant, cela montre une fois de plus qu'il rassemble, à travers son art “infiltrant” comme on peut le lire sur son site internet.
De l’autre, on voit la photographie géante d’un enfant regardant par-dessus la frontière, placée au Mexique. Pareil que pour le picnic, on peut voir l’histoire de Kikito et de sa famille dans le documentaire poignant, encore disponible aujourd’hui. La même année, il réalise un trompe l'œil impressionnant sur le site des pyramides de Gizeh, comme si elle était déconstruite.
JR fait danser le monde
Comme de nombreux artistes de sa génération, JR est plurivalent. Après la casquette (ou le chapeau) de photographe et de réalisateur, celle de chorégraphe.
Il y a presque 10 ans jour pour jour, il présente son premier ballet, Bosquets, en collaboration avec le New York City Ballet. Il réunit sur scène une quarantaine de danseurs, sur une musique de Woodkid, Pharrell Williams et Hans Zimmer. En s’appuyant sur la représentation du ballet, il pense à la suite de cela un court-métrage, dans sa ville de naissance, Montfermeil, et souhaite délivrer un message : créer du beau, où on ne l’attend pas.
Au-delà des quartiers populaires, JR conçoit sur les plus beaux monuments du monde, à commencer par l’Opéra Garnier. En septembre dernier, dans le cadre des travaux de restauration du Palais Garnier, l’Opéra a invité JR pour habiller les échafaudages. La façade, d'habitude si belle et élégante, s’est transformée en caverne, dévoilant un passage de roches et de lumière. Plus qu’une simple installation, elle évoque l’allégorie de la caverne de Platon (lieu où la sortie conduit à la connaissance et à la compréhension du monde). Deux mois après, l’Opéra se transforme une nouvelle fois. En plus d’une nouvelle facette de la grotte, le rideau qui recouvrait la façade est tombé, révélant une performance enchantée de plus de 150 danseurs, livrant un spectacle ahurissant, sous la nuit étoilée parisienne.
Entre art, dénonciation pacifique, coup de pub interplanétaire et célébrité, JR a visiblement tout compris sur tout !
Si le portrait de ce génie créatif vous a plu, ne manquez pas celui sur le nouveau directeur artistique de Vuitton, Pharrell Williams.
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