Radar #12 : Smeels
29 Apr. 2024
Radar #12 : Smeels
Voilà quelque temps que le du Blueprint n’avait pas posé l’œil sur l’une de ces figures en devenir, qui participe à l’évolution de notre belle culture. Mais récemment, le profil de Smeels, artiste à la voix douce et mélodieuse, a particulièrement attiré notre attention. Le 12 avril dernier, il sortait GLOF, un projet de 10 titres forts et transcendants, après presque 3 ans d’absence. Paroles sans filtres, prods planantes et travaillées, GLOF ne signe que le début d’une carrière qui s’annonce longue et remplie de généreux projets. Passage à vide, TikTok et futur… L’équipe du Blueprint est partie à la rencontre de Smeels afin d’en connaître un peu plus sur celui qui rythmera nos playlists ces prochaines années.
Smeels, de l’amour à l’argent
Smeels n’a pas grandi entouré de musiciens, n’est pas né avec un harmonica dans la bouche, et n’a pas non plus été l’un de ces enfants ardus d’un instrument. La ne s’est donc pas tout de suite présentée comme un chemin logique pour le jeune Bordelais. "Si j'avais été plus assidu en dessin ou en peinture, j'aurais été peintre. Je ne me suis pas dirigé vers un truc où je me suis dit, je suis le meilleur. Je me suis juste focus sur un truc, et je me suis dit : bon, je vais y aller à fond". Et c’est justement à force de fréquenter le studio, qu’est né en Smeels la passion. Une passion qu’il a lui même mis du temps à comprendre : "Je savais pas ce que c'était, et je savais pas ce que je ressentais. Mais le fait d'être en studio, tu viens de finir un son, t'es grave content, t'es grave euphorique. C’est là où je me suis rendu compte que c'est ça, la passion. Je pense que j'étais déjà passionné, mais je le savais pas".
Dans ses textes, il dépeint les pensées les plus honnêtes d’un jeune adulte de 26 ans. L’accomplissement, l’argent, l’amour… Une source d’inspiration inépuisable, rythmée par des prods puissantes qui ne font pas uniquement office de second rôle. Pourtant, même si tout porte à croire que Smeels s’inscrit dans l’univers musical du , celui-ci est catégorique : il n’est pas rappeur. Outre le nom d’un projet sorti en 2018 Toujours pas rappeur, il nous explique : "Lacrim, c'est un rappeur. Leto, c'est un rappeur. Ninho, c'est un rappeur. C’est un rap qui dénonce, t'apportes quelque chose d’un peu révoltant sur la société, t’exposes des trucs. Moi, j'ai pas la légitimité de le faire parce que j'ai pas les armes pour, et en plus de ça, j’ai pas du tout le vécu pour. Je vais te sortir la fameuse phrase de je suis pas rappeur, je suis artiste. Mais je saurais pas comment me définir d'autre".
)
Broken, la trend TikTok qui explose tout
Bénédiction pour certains, épée de Damoclès pour d’autres, TikTok n’a pas le même goût pour tous les artistes. En 2020, alors que le confinement est en train de rendre fou la moitié de l’Hexagone, les paroles de son titre Broken deviennent virales. Ces quelques phrases, devenues porte-parole de tous ceux qui ont un message à faire passer à un ex un peu trop collant, ont vite tourné en boucle, malgré une sortie datant de 2017. Smeels, à cette époque, n'a pas TikTok : "Personne n’était venu me voir en me disant : eh gros sur TikTok, ça spam de fou. Je voyais juste que mon son il prenait. Et j’étais grave content, j’étais en mode, putain, c'est trop lourd". Et c’est lorsqu’il télécharge l’application lors du second confinement, que l’artiste se rend compte du phénomène. Même si la popularité de Broken le satisfait, Smeels comprend vite l’importance du réseau social dans l’industrie : "J’étais un peu stressé parce que je me suis dit : mais ça veut dire qu'à chaque fois qu'un son va devoir péter, je vais devoir passer par la case TikTok. Ça me faisait peur un peu. Parce que je me disais, en fait, pour exposer maintenant, il faut être viral, il faut pas être juste bon".
À l’inverse de certains, l’artiste bordelais capte une vraie communauté, et ne tombe pas aussitôt dans l’oubli. Et ça, il le doit, selon lui, à sa manière d’appréhender le phénomène : "Je pense que si je m'étais focus sur le chiffre, j'aurais pris la recette broken et je l'aurais mixé dans tous les sens. (…) J’aurais pu rester dans ce truc-là parce que c'était le chemin le moins risqué. Mais moi, ce n'est pas du tout ça qui m'intéresse. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la musique. C'est vraiment un exutoire, tu t’exprimes, t’envoies tes émotions et tu les transmets aussi".
)
Quand les doutes s’installent
Parce que la musique est un sentier parfois semé d’embûches, il arrive qu’un passage à vide vienne complexifier la tâche de certains artistes. Après avoir sorti son EP Par amour et pour le risque en 2021, Smeels se fait discret. Dans Les métaux, titre de son dernier projet, il chantonne même cette phrase révélatrice : "2K21, jpensais même à arrêter". Et parce que le Blueprint est plein de curiosité, nous lui avons posé la question : pourquoi cette envie de tout stopper ? "J’allais vraiment arrêter en 2021. (…) Tu te lèves le matin, et tu te dis : ah mais en fait, y’a pas vraiment de sens à ce que je fais. Enfin, tu te persuades de ça alors que c'est pas vrai. Du coup, je me suis dit, putain, ça se trouve c'est la zik, peut-être qu'il faut que je me réoriente vers un autre truc". Sensation qui s’est finalement vite estompée lorsqu’il est retourné au studio, un endroit qu’il nous décrit comme spécial et à l’énergie particulière : "T’as vraiment une alchimie dans le studio, t’a vraiment un truc qui se passe. Et ça, tu peux pas le ressentir ailleurs, du coup ça devient un peu une drogue la musique".
Pendant cette période, Smeels dévoile tout de même une trilogie de projet, concentrés sur l’instrumental. Les titres de UKME, LET THE SILENCE SPEAK, et THE END ne possèdent que peu, voire pas du tout de paroles. L’interprète de OPPS, qui n’avait plus l’envie de poser durant ce moment de trou, s’expérimente aux prods. Sans espoir particulier ni promotions, il dévoile cette nouvelle ouverture à son public, en guise d’attente avant son retour : "J'avais pas forcément envie d'aller au stud. Et tout ça, c'est né, ça a été créé. Du coup, je me suis dit, bon, je veux pas le jeter à la poubelle, autant le balancer. Je voulais pas le balancer sur Soundcloud. Je voulais que les gens captent que je savais aussi faire ça".
)
L’avenir appartient à ceux qui prennent le temps
Heureusement pour lui comme pour nous, Smeels retrouve vite un sens à son travail. Après des moments de questionnements sur son parcours dans la musique, il réalise enfin ce qu’il veut, qui il est, mais surtout, où il va. C’est donc dans cette dynamique que sort GLOF, son dernier EP en date : "L'authenticité est pas la même, les textes sont pas les mêmes. Je trouve que je prête moins attention à ce que j'ai autour de moi, je suis très tout droit et j'ai pas vraiment de filtre". Cette révélation identitaire, il la crédite au temps, qui a joué selon lui, un rôle essentiel dans son développement. "Le temps, ça te permet de créer en toi un espèce d'éveil" nous explique-t-il.
)
Et parce que désormais, sa vision est plus que claire et définie, Smeels pose les bases pour l’avenir : "Pour moi, je commence la musique là. C'est le début". Un futur qu’il ne voit pas sans musique, ni studio. Peu importe où l’artiste se trouvera dans les années à venir, le son fera partie intégrante de sa vie. "Si je deviens un consultant à 40 piges, ou producteur à 50, je serais toujours dans la musique. Parce que je me suis rendu compte que c'est ça le domaine que je maîtrise le mieux, et qui me rend le plus heureux".
Pour plus d’interviews, retrouvez nos discussions avec ou !
Crédit photo : Smeels