15 Mar. 2024
Discutons avec Crystal Murray
C'est entre les murs feutrés et sombres du studio Ferber que nous avons rendez-vous avec Crystal Murray. Ponctuelle, elle arrive à 10h pile, en soulignant qu'elle n'apprécie pas d'être en retard. Solaire et décontractée, c'est un café à la main que nous commençons l'interview. Installée devant le rideau du studio en velours couleur vermillon, le décor matche parfaitement avec sa veste en cuir rouge dévalée, dégotée dans une friperie londonienne, dans le quartier de Brick Lane. On connaît Crystal pour sa musique, pour ses looks et son univers enchanté. Après deux ans d'absence, elle revient en force, avec un nouvel album, et déjà deux titres dévoilés : Payback et Starmaniak. Payback est rude, Payback est fort, Payback est féministe.
Dans cette nouvelle interview du Blueprint, Crystal se livre en français et en anglais, nous dévoile quelques-uns de ses secrets musique (et mode) et se confie sur son dernier bébé, son album. Et on vous garantit que ce n'est pas un Hot Mess !
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Crystal Murray, j'ai 22 ans. Je suis auteure-compositrice-musicienne. Et j’habite à Londres depuis maintenant un moment.
Quelles sont tes inspirations dans la musique ? Comment t’es-tu lancée ?
La musique a toujours été quelque chose de très naturel chez moi. J'ai toujours chanté et écrit des poèmes. J’avais constamment des choses à retranscrire sur le papier. Et à 14-15 ans, j'ai écrit Princess, mon tout premier single. J'étais comme ça avec mon bloc-notes, like I need to do it. J'avais des idées de mélodies, de chansons, et c'est venu assez naturellement. Et puis… je suis devenue chanteuse. Vous savez quand on est petit, on a des rêves. Le mien, c’était d’être chanteuse, et je le suis devenue. Après, j’ai eu plein d’évolutions sur le rêve, qu’est-ce que c’est d’être une musicienne ? Comment peut-on évoluer ? Qu’est-ce qu’on doit faire pour donner le meilleur de soi-même ? Je me suis rendu compte que c'était en fédérant les gens, en créant des espaces.
Que ce soit le son ou les visuels, quel est le message derrière Payback ?
Pour Payback, j'avais envie de revenir avec un message assez fort. J’ai pris deux ans à faire l'album, et pendant ce temps, le monde était de plus en plus dur. J'avais envie d'arriver avec un message et pas juste un rêve, mais plus une réalité. J’aimerais bien que Payback devienne personnelle à chacun d'entre nous. Pour moi, c'est une sorte de rage, que j'ai trouvée dans une tristesse, une sensibilité, des émotions. Et tout ça, j'ai voulu le retranscrire d'une manière assez visuelle, un peu à la façon des films japonais comme dans ceux de Obayashi, où les femmes naissent avec une vraie rage du monde patriarcal. Donc oui, Payback est peut-être tout ce que tu veux, mais Payback c'est la rage, Payback c'est la sensibilité, Payback c'est le féminisme. En fin de compte, c’est avoir un message qui peut devenir universel.
Princess est un de tes premiers morceaux. Quelles étaient tes sources d’inspiration au moment de l'écrire ? Qu’est-ce que tu avais envie de raconter à travers cette chanson ?
C'est ça qui est drôle, parce que je n’avais rien à raconter. J’avais 14 ans au moment de l’écrire. Toute l'histoire amoureuse que je raconte, elle n'existe pas réellement. Je pense que c'est aussi pour ça, pour que les gens soient connectés, parce que c'est grave enfantin et pas vraiment deep. Which is good sometimes, I believe.
Si tu devais nous parler d’un son qui caractérise ta personnalité et pas seulement ton art ou ton personnage de scène, lequel serait-il ?
Il y a un son dans Kill Bill qui s'appelle l'Arena, de Ennio Morricone. C’est la bande son et elle dure très longtemps et nous fait passer par plein d'émotions. Pour moi, c'est une chanson que je peux écouter à tout moment et qui arrive à me renforcer.
As-tu encore des carnets de notes où tu écris tes pensées ?
Oui. Depuis longtemps, j’ai des bloc-notes dans lesquels j’écris des choses. D’ailleurs, ce week-end, je viens tout juste de commencer la première page de mon diary. En réalité, j’ai un bloc-notes pour les poèmes, et un plus gros pour tout déballer. Ça peut être une phrase qui me touche, que je vais lire ou entendre. Et ensuite, je peux écrire plusieurs pages sur cette pensée-là.
On t’a connu sur Instagram à travers la mode, et maintenant à travers la musique. Comment as-tu fait le lien entre ces deux univers ?
Ça a été assez dur au final, parce que j'ai vraiment dû faire une pause avec la mode et mon relationnel avec les marques pour vraiment prendre le temps de faire ma musique. Mais, j'ai toujours eu cette relation avec les vêtements. Pour moi, la musique, c'est ce qu'il y a à l'intérieur de moi et comment je m'habille, c'est ce que j'ai envie de montrer. Les deux vont ensemble. Maintenant, j'arrive à retrouver mon relationnel mode sur mon moi musicienne. Mais, j'ai tout de même dû faire une pause, pour ne pas être vue comme une influenceuse, mais plus comme une artiste. Et ce sont aussi les vêtements que je mets, comment je peux les lier avec mon univers, sans me sentir forcément juste comme une mannequin. J'essaie toujours de mixer les choses ensemble. C'est pour ça que j'ai beaucoup de bijoux. J'aime bien les mélanges et faire une silhouette assez rare.
Comment décrirais-tu ton style ?
Pendant deux ans, quand j’étais dans l’écriture de mon prochain album, j’étais dans une période un peu dark. Enfin pas dark, mais quand j’étais en public, je n’avais pas envie de me montrer. Je portais des casquettes, du noir, du cuir… Et, depuis que je ressors des chansons, je suis moins dans une dualité d'émotions, parce que l'album est fait. J’ai toujours le même style, mais avec un peu plus de couleurs.
Qu'est-ce que tu portes aujourd'hui ?
I thought you would ask. Je porte une veste que j'ai acheté à Londres, avec une robe Ann Demeulemeester, trouvée dans une friperie, dont je ne me rappelle pas le nom. Mon pantalon, c'est Diesel. Du prêt, en plus. Mes chaussures, je les ai achetées sur un vintage Instagram de quelqu'un qui habite à Berlin. Ce sont mes nouvelles chaussures préférées. Et après, j'ai ma collection de bagues qui est assez proche de moi. Entre des marques de mes copines, des bagues de ma grand-mère et celle que j’ai achetée avec ma première paye à Los Angeles. Mais voilà, ça c'est ma collection. Et mon sac, c’est un Justine Clenquet, une de mes marques de bijoux préférées.
Dans plusieurs interviews, tu parles souvent de “casser les codes”. Quelle en est ta réelle définition ?
Je pense que je suis un peu obligée de dire ça, parce que la musique que je fais ne rentre pas dans une case. J'ai beaucoup de références différentes. Ma voix par exemple vient de la soul, et aussi de mon père qui est jazzman. Mais à côté de ça, je suis vraiment une fille de ma génération. Je change, je grandis. Cette année, par exemple, j'ai écouté beaucoup de rock alternatif comme Jeff Buckley, Mozi Store, Cocteau Twins. Et à côté de ça, j'écoute de l'opéra tous les matins. Finalement, il y a beaucoup de références dans ma tête. Et ces références-là m'aident beaucoup à écrire et à réfléchir sur ma musique. Quand je parle de casser les codes, c’est pouvoir ne pas me mettre dans une boîte, tant en ayant plein de références que les gens peuvent entendre sans pour autant qu’on pense que je ne suis pas sûre de moi. Finalement, sur cet album, j'ai enfin réussi à trouver une bonne balance entre toutes ces émotions en dualité, et ces références.
Tu changes drastiquement d’image et d’identité très régulièrement. Peux-tu nous en parler ?
That's rude ! Je ne pense pas que je change d'identité. Je pense plutôt que je suis jeune, et que mon style évolue avec moi. Si on regarde, il y a quatre, cinq ans en arrière, j'ai toujours osé les choses, mettre des choses différentes et m’amuser. Après, c'est vrai que quand la musique est arrivée, surtout sur le deuxième EP, j'ai vraiment voulu baser ce projet sur plein de personnages différents. Dedans, il y a Other Man. Il y a la partie un peu plus pop avec Too Much To Taste, et Hot Mess qui est un peu plus dark. J'avais vraiment ce truc-là où je me suis amusée dans les personnages. Aujourd’hui, j’ai 22 ans, et je pense que j’ai eu l’occasion de découvrir plein d’univers différents et c'était important pour moi. J'adore m'amuser, m’habiller et surtout dans la musique, j’adore me dire qu’il y a plein d’émotions et de personnages différents dans une personne. C'est quelque chose que j'ai vraiment essayé de mettre en image.
Quels sont tes projets pour la suite ?
J'ai un album qui arrive avec une tournée. J'ai hâte d'entendre ce que les gens vont ressentir quand ils écouteront cet album, parce que j'ai vraiment pris du temps, et mis beaucoup d'émotions.
Quels conseils pourrais-tu donner à un.e jeune artiste ?
Franchement, il faut arrêter de trop réfléchir. Enfin, au début en tout cas. Je pense que c'est bien de réfléchir, mais après. Pour se lancer, il faut montrer déjà ce qu'on a dans le ventre. Puis après, l'embellir.
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Crédit photo : Anoussa Chea