17 Dec. 2023
Discutons avec Blachette
Des illustratrices françaises passionnées de sneakers, il n'y en a pas des centaines. Donc quand on est tombé sur le compte de Blachette en nous baladant sur Instagram, on s'est tout de suite dit qu'il fallait qu'on la contacte. Dès le premier scroll, on a aimé sa façon de dessiner, de s'approprier la culture et de raconter des histoires. Après quelques échanges, on a fini par se rencontrer. De son vrai nom Camille Blache, ce bout de femme aux cheveux blonds, au look streetwear, au sourire diamanté (et colgate), avec un léger accent du sud, se confie à nous, à cœur ouvert, et en toute simplicité. Dessins, livres, vidéos, créations... rien de l'arrête. Pour le Blueprint, elle raconte ses débuts, ses envies, sa rencontre avec son idole, et surtout, sur son dernier ouvrage : Quand les sneakers deviennent légendes. Entre musique, sneakers et mode, découvrez ou plutôt, dévorez l’interview de Blachette.
D’où vient ton surnom ?
Au collège-lycée, j’étais petite de taille. Je ne suis pas plus grande aujourd’hui, mais j'ai poussé d'un coup. Du coup, on m'a appelée “la Blachette” et c’est resté. Mais tout le monde m'appelle Blachette, même à Perpignan. Quand on me dit Camille, je ne me retourne pas forcément, à part si ce sont mes parents.
Quel a été ton tout premier lien avec les baskets ?
Il y a en réalité deux liens. Quand j'étais petite, je suis tombée dans la marmite. J'étais chez mes grands-parents et il y avait un tas de vieux magazines que j'ai feuilleté. Il y avait dans l'un d'entre eux une grande page publicitaire où on voyait Michael Jackson portant des baskets spéciales. Et de là, je suis devenue complètement dingue. Il me fallait absolument ces baskets, que je n'ai jamais eues d’ailleurs. Puis, je me suis mise à la danse. J'ai fait du hip-hop pendant des années et à cette même période, 50 Cent était en train de péter partout, avec la G-Unit Reebok aux pieds. Plus tard, je l'ai achetée, et c'est devenue ma vraie première paire, qui avait un vrai symbole. Et à partir de ce moment-là, j’ai commencé à collectionner les paires et je ne me suis jamais arrêtée, même si je me suis calmée maintenant.
D’où t’es venue l’idée de faire de ta passion pour les sneakers une bande dessinée ?
Quand j'ai commencé à aimer les baskets, je ne me préoccupais pas forcément de l'histoire. C'était surtout le design que j’appréciais ou alors quel artiste les portait. Et depuis quelques années, je m'intéresse à leurs histoires. Je pense notamment à la Superstar, qui a été le point de départ de cette bande dessinée. À l’origine, je voulais faire une bd centrée sur la Superstar. Puis, en me renseignant, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de paires, avec des histoires hyper intéressantes, qui m’ont pour la plupart marquées tout au long de ma petite vie. Et c’est en 2020 que j’ai commencé à travailler sur Quand les sneakers deviennent légendes. J’ai ensuite proposé mon idée à une première maison d'édition qui m’a dit non, pensant que ça n’allait pas plaire. Seulement, je voulais parler de ma passion, donc j’en ai cherché une autre, jusqu’à trouver First ! Et en janvier 2023, j’ai commencé les planches, jusqu’en juillet. Du lundi au dimanche, je ne faisais que ça.
Quel livre a été le plus intense à produire, à dessiner ?
Je dirais Quand les sneakers deviennent légendes, notamment avec le fait que je sois auteure et dessinatrice à la fois. J’y ai vraiment mis toute mon énergie parce que je voulais que les gens kiffent ce produit. Parce que, c'était moi à 100%. Chaque chapitre raconte un moment de ma vie. Je voulais que ça soit le plus représentatif de ma personne, et en même temps, que ça parle de ma passion. Il y avait tout un truc qui se mélangeait. Je pense même que maintenant, j'ai des cheveux blancs sous ma teinture blonde (rires).
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Il y a des illustratrices que j'aime énormément, qui m’ont donné envie de me lancer dans l'illustration. Comme Pénélope Bagieu ou Lyly Blabla, qui m'a beaucoup boosté à mes débuts. Et puis, il y a les mangas. On peut le retrouver dans les traits de mes personnages. Mais aussi les Disney et la musique, qui tient une place importante dans ma vie. D’ailleurs, dans mon nouveau livre, à la fin de chaque chapitre, il y a toujours une musique qui m'a marquée à cette époque. Il y a aussi tout ce qui m'entoure comme la vie de tous les jours, mes amis ou le cinéma.
Tu parles souvent de paires de sneakers qui t’ont suivi et marqué au cours de ta vie, mais as-tu un auteur, dessinateur ou bédéiste préféré ?
Je dirais que ça va au-delà de ça. Ce sont plus des œuvres que des auteurs à proprement parler qui m’inspirent. Parce qu'en y réfléchissant, c’est trop difficile de faire un choix. Mais pour en citer une, je dirais Mutafukaz, qui m'inspire énormément. Si je devais choisir une œuvre, ce serait celle-ci.
Le regard des autres est-il important pour toi ?
Au début, oui. J'y accordais énormément d'importance. C’est d’ailleurs pour ça que je suivais un peu les trends qu'il y avait sur Instagram. J'étais obsédée, pas par le like, mais ça y jouait beaucoup. Et je me disais que s'il y avait moins de likes, les gens aimaient forcément moins mon art, alors que pas du tout. C’est en 2021, quand j’ai commencé ma collaboration avec Asics, que je m’en suis rendue compte. La marketing manager m’a dit qu’elle n’en avait rien à faire de mon nombre de followers, c’était mon art qui importait le plus. Maintenant, je fais les choses pour moi. J’ai l'impression que quand on court vers les trends, l'art devient plus hard discount. Tu le consommes sur le moment, mais il ne te marque pas. Après, je comprends aussi les artistes qui sont dans cette optique. Être illustrateur est un métier précaire. On a beau avoir la pastille bleue, il y a parfois des mois où c'est moins facile que d'autres. Il faut parfois savoir mettre du beurre dans ses épinards.
Si tu devais choisir entre la mode et le dessin, quel serait ton choix ?
Alors là ! C’est comme si tu me demandais de choisir entre ma mère et mon père ! J'aime les deux, c’est impossible de choisir.
Blachette en quelques mots ça donnerait quoi ? illustrations, Lacoste, mangas, baskets, casquette et militantisme...?
Non, je ne crois pas ! En tout cas, c’est bien, c’est même à la limite de la psychanalyse !
Adidas, Asics, Courir, Lacoste… quel est le prochain sur la liste ? Ta collab idéale ?
J’ai deux nouvelles collaborations à venir. La première sortira en 2025, c’est une paire que j’ai imaginée avec cette marque. Et la deuxième, je ne peux pas encore le dire pour le moment. Concernant ma collaboration idéale, je dirais des vêtements plus que des baskets. Mais je ne peux pas m’avancer, parce que ça porte malheur. Je suis un peu superstitieuse donc je ne préfère rien dire pour le moment.
Il y a quelque temps, tu rencontrais Fifty Cent en personne et lui offrait même ta bd, qu’est-ce que tu pourrais attendre de plus ? Quelle serait la consécration ultime ?
Fifty Cent a été LA consécration ultime. Quand j'ai appris qu'il passait en concert à Paris, j'étais justement en train de bosser sur le chapitre de Fifty Cent. Je me suis dit que c’était le moment parfait pour lui offrir ma BD. Donc, j'ai contacté des gens que je connais du milieu du hip-hop, qui m’ont dit oui, mais en fait non. Du coup, je me suis dis qu’il fallait quand même que je le tente ! Donc je suis partie au concert toute seule avec deux livres avec moi, en espérant pouvoir le lui donner. J’ai patienté plus d’une heure et demie dehors avant l’ouverture des portes, et en attendant je suis allée sur le insta de sa tournée et j’ai envoyé des messages au culot. “Salut je m’appelle Blachette. J’ai écrit un livre et dedans, il y a une partie entière sur Fifty Cent. J’aimerais le donner à quelqu’un de son staff pour lui.” Et là, contre toute attente, quelqu’un me répond ! Il me demande où je suis, me dit qu’on se rejoint à l’intérieur. Il arrive, je lui donne les deux BDs et j’ai vu à sa tête qu’il était surpris. Il s’attendait peut-être à un fan art, mais pas à un vrai livre comme celui-ci. Et puis, il me rappelle, me dit de le suivre, et que finalement, c’est moi qui offrirais ma bd à Fifty. Je commence à trembler, je dis dans un anglais approximatif “Can you repeat please cause’ my english is so bad” . Il me met un bracelet au poignet, et me dit qu’il revient me chercher après le concert. Je n’y croyais pas, mais il me rappelle, me dit de venir à une porte et là, j'aperçois Fifty Cent. Je perds mon anglais, je n’arrivais même plus à parler. Je fais une photo avec lui, lui parle rapidement et essaye tant bien que mal de lui passer mon livre. Malheureusement, je n’ai pas pu lui donner en main propre, mais en tout cas, il sait que c’est moi ! Finalement, c’est la mentalité pirate. Il faut se détacher de ce que les gens pensent de vous. Si tu as quelque chose en tête, tu le fais !
As-tu un nouveau projet en préparation ?
Oui. Une maison d’édition m’a contacté pour que j’illustre un livre sur la maternité. Et puis, je prépare l’année 2024 avec quelques projets, qui j’espère, se concrétiseront. Niveau édition, je réfléchis à 2-3 histoires, mais je préfère laisser vivre mon dernier livre, avant de replonger sur autre chose.
Qu'est-ce qu'on pourrait te souhaiter pour la suite ?
Continuer à faire ce que je fais, tout en gagnant ma vie. Pas plus, pas moins !