25 Jan. 2023
Le Radar #8 : LLORCA
Après Kolam, Ecke ou P.O. Views, notre Radar découvre aujourd'hui l'univers de Vincent Llorca, un créatif à l'imagination débordante. Celui qui a aussi collaboré avec P.O.Views sur leur dernière collection intitulée Appassionati, nous a ouvert les portes de son atelier situé dans le 93, aux puces de St-Ouen. Inspiré par les vêtements utilitaires et militaires, le minimalisme japonais ou encore le brutalisme soviétique, Vincent a lancé sa marque éponyme à la sortie du confinement. Présentant ainsi une multitude de sacs, il nous explique aujourd'hui l'évolution de notamment depuis qu'il a réussi à trouver des collaborateurs spécialisés. Parcours, stratégie, inspirations, distribution ou encore éthique... notre radar a flashé un nouveau label français à suivre en 2023.
L'exploration
Vincent vient tout juste d'avoir 23 ans. Très jeune, il a pourtant un parcours bien rempli. Avec un projet de merch qu'il a établi à l'âge de 14 ans et après un bac STMG, il a commencé des études de communication à l'Institut Catholique de Paris. Assez surpris de son admission dans cette école et surtout peu scolaire, il arrête la communication et s'oriente ensuite vers l'apprentissage de l'anglais. Le conduisant ainsi dans sa quête d'émancipation, il part pour Londres durant quelques mois. En revenant, il commence une Prépa Art à l'Atelier de Sèvres à Paris. "C'est là que j'ai découvert la couture, donc je me suis mis à coudre parce que j'avais déjà une machine que ma grand-mère m'avait achetée.", ajoute-t-il. C'était cependant sans compter sur le confinement, le freinant ainsi dans sa formation. Il se retrouve alors seul chez lui avec sa Singer. À ce moment précis ses perspectives d'avenir se sont redessinées, après avoir émis l'idée d'intégrer la prestigieuse école de design ENSCI qu'il considère comme l'une des meilleures, Vincent s'est finalement orienté vers une Prépa de montage dans une école de modélisme. Lorsqu'il a eu l'opportunité d'appliquer ce qu’il avait appris durant un stage dans un atelier de confection de costume, le second confinement a tout stoppé : "C'est là où j'ai vraiment commencé à me dire que j'allais faire autre chose l'année prochaine, je ne pouvais pas continuer l'école. À l'époque, j'avais pas la persévérance de me dire que continuer ça allait avoir un intérêt au fond. Le plaisir que je prenais par rapport au déplaisir que ça me procurait, la balance n'était pas positive. Donc j'ai arrêté en 2021."
Un voyage entre le Japon et la Russie
Cherchant ainsi un but à sa vie et à se créer une routine qui le pousse à se lever le matin, Vincent a commencé à étoffer son projet de sacs en août 2021 : "J'étais passionné par les sacs, même après l'école, c'était le seul truc qui me faisait kiffer." Tirant ses inspirations de livres, boutiques vintage et même d'Instagram, il est majoritairement inspiré par le vêtement utilitaire, de travail qu'il définit comme "hyper fonctionnel" et "pas du tout pensé pour être beau”. À la manière d'une Rei Kawakubo ou d'un Yohji Yamamoto, Vincent tire s'inspire du minimalisme japonais ou du côté brutaliste de l'architecture soviétique.
"Tout à sa place, il n'y a pas de choses uniquement pour faire joli."
Il s'installe très vite dans un atelier abordable aux Puces de St-Ouen, aidé par son ami Gérard, étudiant en communication de la mode à l'Atelier Chardon Savard qui le suivra de très près. "Mais, j'étais beaucoup tout seul, sur toute la créa, la compta, la gestion.", témoigne Vincent. Cette première année a donc été très riche puisqu'il a pu définir ce qui le faisait vibrer, mais surtout définir ce qu'il n'aimait pas faire. En septembre dernier, il a donc pris les choses en main pour optimiser le fonctionnement de LLORCA de la meilleure des manières : "À l'époque, je faisais beaucoup de modèles différents, parfois, je faisais le même en 3/4 fois, pas plus. Je ne faisais pas beaucoup de séries, mais maintenant, j'ai enfin trouvé une solution".
"Cette année, j'ai décidé de prendre les choses en main. Je me suis vraiment focus sur tout comprendre. Tirer les bonnes leçons. Aller droit au but."
Un marché de Noël à St-Ouen en 2021, un autre au Soho House de la rue de la Bruyère dans le 9e cette année, un premier pop-up intitulé Lemonade en juillet et un second dans l'ancienne boutique Pigalle rue Henri Monnier en décembre dernier, Vincent a su s'entourer des meilleures personnes pour s'occuper de la communication et de la stratégie. "Je peux me concentrer beaucoup plus sûr ce que je sais faire et ce que j'aime faire et c'est ça l'intérêt de déléguer, pourtant j'avais beaucoup de mal." ajoute-t-il. Mathéa et Clara travaillent en duo et gèrent essentiellement l'image de la marque notamment sur les réseaux sociaux et aident également Vincent sur la stratégie commerciale. Elles proposent aussi des moodboards à Vincent et organisent avec Gérard des shootings photos. Pour ce qui est de la production, là encore le créatif a trouvé une manière de faire ce qu’il aime, c'est-à-dire développer ses concepts au maximum en se concentrant exclusivement sur le prototypage et le développement tout en assurant une production harmonieuse et notamment l'assemblage dans un petit atelier de confection situé à Pantin. Après plusieurs recherches, en tapant simplement "atelier de confection 93", il a trouvé une femme qui travaille exclusivement dans la confection de sacs, ce qui est assez rare : "Gwen Jugan fait ça à Pantin, à la base, elle fait des sacs pour les ingénieurs du son. Elle bosse pour France TV etc... Elle connaît bien ce secteur et est super sympa. Je l'ai contactée sur la dernière production." Se fournissant majoritairement en nylon grâce à des fins de rouleaux qui appartiennent à et à une autre entreprise qui revend d'autres marques comme ou , Vincent porte avant tout une importance sur le côté responsable et éthique derrière la production qu'il veut française. Comme un Patagonia avec son programme de réparation, le créatif se tient à disposition de ses clients pour toute demande : "Vu que je me laisse le droit d'être humain, je le garantie à vie."
"Je veux un business qui soit 100% éthique."
Faire le tour de la bagagerie avant de voyager
Vincent est assez flexible quant à la distribution de ses sacs, entre deux pops-up, il reçoit de plus en plus de messages. Souvent ses clients passent à son atelier, sinon s'il ne les connait pas, l'option d'achat en ligne est la meilleure solution. Sur le long terme, il aimerait évidemment développer davantage cette partie-là. Préparant son prochain drop, le jeune Parisien trépigne d'idées, mais il veut avant tout se perfectionner dans la bagagerie et les sacs avant de se lancer dans d'autres projets. N'ayant pas encore fait le tour de cet univers, il a vraiment une volonté d'apporter quelque chose de nouveau, qui sort de l'ordinaire et ne voit donc pas l'intérêt pour le moment de se diversifier.
"Je veux d'abord devenir expert en sacs et ensuite, je me formerais pour les vêtements. Je sais déjà faire le montage, mais très peu le patronage et le modélisme."
Épicurien dans l'âme, Vincent vit au jour le jour. Prévoyant dans la mesure du possible, il a une ambition mesurée pour sa marque : "J'aimerais bien avoir une boutique d'ici 1 ou 2 ans, avoir à terme ma propre usine et mon équipe d'artisans. Une production française et parisienne, parce que j'habite à Paris et c'est plus rapide pour contrôler. J'aimerais bien avoir mon équipe autour de moi, une structure qui soit un peu plus définie et un peu plus grosse."
D'après lui, pour réaliser ses desseins, il faut avant tout de la concentration, de la persévérance et de la rigueur : "Il faut être passionné, avoir un projet qui va dans le sens des enjeux actuels. Pour moi ce n'est pas compliqué de monter sa marque, ce sont des difficultés, mais le kiffe, c'est de les surmonter. Le plus important c'est le chemin pour y arriver. Il faut Trust the Process."
Crédit photo : @llorca193